Dix grands psychopathes à l’opéra
Eliogabalo : la perversion au service de la séduction
Christopher Ainslie chante Eliogabalo en 2013 © DR
Venise, 1667, le Teatro San Giovanni et Paolo attend un opéra pour fêter le célèbre carnaval qui aura lieu l’année suivante et honorer les Habsbourg, à l’époque empereurs des Romains et protecteurs de la cité face aux Ottomans. C’est alors à Cavalli qu’est confiée la composition de cette œuvre et le sujet est tout trouvé : Eliogabalo parlera d’un empereur romain, mais surtout de sa perversion et de ses désirs insensés.
Le livret mêlant complots, menaces, tentatives d’assassinat, séduction et débauche, met en scène un empereur aux airs de Don Juan prêt à user de tous les stratagèmes pour avoir dans son lit les femmes qu’il convoite. Dans l’acte I, après avoir violé une première femme, il jette son dévolu sur une deuxième et met tout en œuvre pour la conquérir, aidé de ses deux confidents un peu trop zélés. Au programme : tromperies, faux-semblants et manipulations. Eliogabalo va jusqu’à mettre en place un Sénat de femmes afin de réunir les plus belles femmes et en profiter pour étreindre l’élue de son cœur dans un jeu vicieux où lui-même est travesti. Le projet échoue mais Eliogabalo ne se décourage pas. Toujours assisté de ses complices, il décide dans l’acte II d’organiser un banquet orgiaque où il prévoit de droguer sa belle afin d’en profiter à sa guise, et d’empoisonner l’amant de celle-ci. Encore une fois, son plan est avorté. Alors, dans l’acte III, l’empereur ordonne un combat de gladiateur pour éliminer une fois pour toutes celui qui l’empêche d’accéder aux bras de celle qu’il désire. Finalement, rien ne se déroule comme prévu et la jeune femme annonce au peuple l’assassinat d’Eliogabalo qui a tenté de la violer. Ainsi est pris qui croyait prendre.
« L’anarchie, au point où Héliogabale la pousse, c’est de la poésie réalisée », écrira Antonin Artaud en 1934, élevant les sombres actions de ce personnage au rang d’art. Mais voilà, bien que l’évènement carnavalesque se prête bien à un sujet subversif et fallacieux, le Sénat interdit formellement la représentation de cet opéra. Musique inadaptée ? Sujet trop provocant ? L’histoire ne le dit pas. Mais Cavalli est écarté et son opéra remplacé par une œuvre du même titre composée par Giovanni Antonio Boretti, sur un nouveau livret d'Aurelio Aureli.
Eliogabalo ouvrira la nouvelle saison 2016/2017 de l’Opéra de Paris et le licencieux empereur prendra les traits du contreténor Franco Fagioli qui mettra tout en œuvre pour conquérir la belle Flavia, interprétée par la soprano Nadine Sierra.
(Cover : "Les Roses d'Héliogabalo", huile sur toile de Lawrence Alma-Tadema (1888))
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