Dix grands psychopathes à l’opéra (2/10) - Turandot
Turandot : quand beauté rime avec cruauté
Marco Berti chante Calaf dans la mise en scène de Zeffirelli (1987) en 2016 © Marty Sohl / Metropolitan Opera
Le 25 avril 1926, à la Scala de Milan est présentée l’œuvre inachevée de Puccini, Turandot. Captivé par la pièce de Carlo Gozzi racontant l’histoire de l’impitoyable princesse « Turandotte », sur fond de romantisme cruel, le compositeur avait expressément demandé à ses librettistes « quelque chose qui fasse pleurer le monde ». Son travail s’acheva d’ailleurs sur le passage le plus tragique de son opéra puisqu’il décéda en 1924, laissant sur son lit de mort une esquisse de ce qu’il attendait pour son final. Esquisse que suivit le jeune Franco Alfano, chargé de composer une fin la plus fidèle possible aux attentes de Puccini.
Turandot raconte l’histoire d’une princesse imaginaire de la Chine médiévale, aussi belle que cruelle. Sa beauté attire à Pékin une foule de prétendants à qui elle réserve une mortelle épreuve consistant à répondre correctement à trois énigmes ou à payer le prix de leur désir par la décapitation. Arrive alors en ville le Prince Calaf, inconnu de tous et de la princesse elle-même. Par le plus beau des hasards, il retrouve son père Timur, ancien roi de Tartarie condamné à l’exil et devenu aveugle, accompagné de sa jeune guide Liú, secrètement amoureuse du Prince. Alors que celui-ci commence à dénoncer la barbarie de la princesse Turandot, il lui succombe, envoûté par son charme ensorcelant.
Ignorant les supplications de son père et de Liú et n’écoutant que son cœur, le Prince inconnu se précipite donc vers l’abîme. Seulement voilà, servi par sa passion et son esprit, il triomphe là où tant d’hommes enamourés avaient échoué et remporte l’épreuve des énigmes. Il touche donc du doigt l’espoir d’épouser la princesse mais, pour son malheur, la belle ne veut pas de lui et refuse le mariage. N’y tenant plus, le prince lui propose alors un nouveau défi : il mourra pour ses beaux yeux si elle réussit à trouver son nom avant l’aube. Résolue à ne pas l’épouser, la froide princesse Turandot est prête à toutes les manœuvres, même les plus sadiques pour arriver à ses fins. Elle n’hésite donc pas à torturer la pauvre et innocente Liú pour obtenir le nom du mystérieux étranger. Or la malheureuse jeune femme, aimant le prince plus que sa propre vie, préfère se donner la mort plutôt que de trahir son bien-aimé. Mais ce suicide aura été vain puisque le prince Calaf, dans un dernier élan d’amour, décide de révéler son nom et donc de mettre sa vie entre les mains de la princesse Turandot. Finalement, celle-ci épargne le prince qui a su faire fondre son cœur de glace et proclame au peuple que : « son nom est Amour ! ».
Si certains comme le critique Piotr Kamiński voient Turandot comme le chef-d'œuvre ultime de Puccini en citant l'excellence de « l'envergure dramatique et la variété des styles », l'audace et la modernité du « langage harmonique », la force de « l'atmosphère orientale », et le « souffle sans précédent de l'écriture chorale » ; d’autres comme le musicologue Marcel Marnat le considèrent comme un opéra inachevé et inégal, incomparable aux autres grandes œuvres du compositeur italien.
Ecoutez Roberto Alagna (prince Calaf) chantant le célèbre Nessun Dorma, aux Chorégies d’Orange, en 2012.
(Cover : Lise Lindstrom en Turandot, Austin Lyric Opera, avril 2012 © Austin Lyric Opera )
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