La violoncelliste Sonia Wieder-Atherton nous présente ce programme qu’elle interprétera en compagnie du pianiste Alexander Paley, lundi 16 décembre 2024 à 20h au Grand Salon des Invalides : « Nous avons échangé avec Christine Dana-Helfrich sur le thème de ce cycle, un thème que j'ai également exploré dans mon parcours artistique, également dans ses résonances avec le répertoire classique. Tout de suite, nous avons trouvé un terrain, un terreau artistique fertile sur lequel échanger et bâtir : Christine Dana-Helfrich est très engagée dans la réflexion des programmes. Il est rare, je dois le dire, de trouver des personnes aussi passionnées, avec cette envie profonde de transmettre au public.

Nous avons donc partagé nos trouvailles, nos idées, nos envies. Certains choix se sont imposés comme des évidences, d'autres après des recherches musicologiques, et le tout forme un programme avec ses contrastes, ses résonances : les œuvres parlent et elles se parlent les unes aux autres. 

Ce sont des œuvres extrêmement différentes, mais unies par l'instrumentarium (le piano et le violoncelle, le second parfois seul, le premier devenant parfois presque un orgue). Il y a des transcriptions, des œuvres originales, des œuvres traditionnelles. Il y a toujours ce lien à l'exil, qui est une déchirure et une force de survie.

Il y a la grande douleur de Bartók, loin de son pays, et qui y revient d'autant plus grâce ses musiques populaires (qu'il a lui-même été chercher). Il y a Stravinsky qui s'exile dans les siècles en revenant au style classique de Pergolèse (mais pour mieux le ramener avec lui dans son époque).

Il y a les Trois strophes sur le nom de Sacher de Dutilleux, nourries d'invention et qui forment un aboutissement lumineux. Ces trois strophes déclinent trois atmosphères complètement différentes, on suit le récit musical comme on suivrait une histoire à suspense, on a envie de savoir ce qui va se passer. D'abord avec un caractère très joueur, puis le lyrisme d’un chant instrumental profond, d'une beauté inouïe, et enfin une prouesse de virtuosité (mais au service du lumineux). Pour une fois, le son va plus vite que la lumière ! C'est une énergie qui fuse, presque de colère, et tout est parfaitement construit, précis.

Il y a les chants juifs, qui sont une histoire de l'exil mais pas seulement, ce sont des mélodies qui accompagnent chaque moment de la journée et de la nuit, c'est une musique qui vient rythmer les minutes de la vie.

Toutes ces pièces font comme partie de moi, depuis longtemps.

Il y a enfin Messiaen avec la “Louange à l’Éternité de Jésus”, du Quatuor pour la fin du temps qu’il a composé prisonnier du Stalag VIII-A, à Görlitz.

Ce quatuor mythique avec cette louange, c'est un véritable travail sur le rapport au temps. 

Le temps extrêmement long, dont vous sentez vraiment chaque seconde. C'est extrêmement éloquent sur l'expérience de l'exil, de l'emprisonnement. Lorsque tout va bien pour nous, on ne sait même pas ce que c'est que le temps. On commence seulement à le ressentir, soit si on est dans une grande angoisse, soit si on est enfermé. Et là, on commence à sentir vraiment le temps, sa force.

Une force que nous ressentirons d'autant plus vivement avec ce programme, en ce lieu sublime que sont les Invalides : son dôme notamment a pour moi quelque chose d'hypnotisant. C'est un lieu qui a une force, une dimension magnétique. »

Vous pouvez réserver à cette adresse vos places pour ce concert, ainsi que pour les autres concerts de la saison musicale des Invalides.

Retrouvez également l’interview grand-format de Christine Dana-Helfrich qui présente le cru 2024/2025 de sa programmation musicale, ainsi que nos cinq épisodes de cette série, ci-dessous :

1- “Une certaine idée de la France”
2- Exil et Résistance !
3- L’Heure bleue
4- Sur grand écran
5- Emprisonnement et Libération