Zingarelli à Versailles : Juliette et Roméo
« Le deuxième air de Juliette, “Qual improvviso tremito” [à ne pas confondre avec “Quest'improvviso tremito” dans le Lucio Silla de Mozart] se situe juste après le mariage avec Romeo. Gilberto, leur ami qui les aide (avec les poisons également) leur dit qu’ils doivent absolument se séparer car Romeo vient de tuer Teobaldo, et doit donc s’exiler. C’est donc un peu un air du poison avant le poison. L’orchestre gronde, traduisant les palpitations du chœur. La très belle introduction rappelle Gluck. Juliette s’adresse à son époux, elle s’inquiète du futur et elle est dévastée de devoir le quitter.
Pour moi qui rêvais de chanter avec Franco Fagioli c’était très émouvant d’enregistrer avec lui, et c’est très émouvant de le retrouver sur scène. D'autant plus que le créateur du rôle de Roméo, le castrat Crescentini, était le maître de chant de la créatrice du rôle de Juliette, la Grassini. Franco Fagioli n’est pas mon professeur de chant mais il a eu beaucoup de bienveillance à mon égard, il m’a donné des conseils toujours très simples et bien sentis dans ce répertoire dont il est maître. Il représentait vraiment la maîtrise de ce style, offrant une belle leçon de musique dans cet enregistrement.
Pour préparer cet opéra, et cette rencontre, je me suis intéressée à la vie de ces interprètes, et j’ai été fascinée par La Grassini [Giuseppina Grassini, 1773-1850], qui a eu une immense importance dans l’histoire de la musique. Elle a créé un nombre impressionnant de rôles assez fous techniquement, pour Paisiello, Cimarosa, Cherubini… et il est amusant aussi de voir que ses amants la font voyager (après Napoléon elle devient d’ailleurs l’amante du Duc de Wellington, ce qui est assez ironique).
C’est surtout une immense chanteuse et elle est aussi, comme Zingarelli sur le plan de la composition musicale, comme un chaînon manquant dans l’histoire du chant car de prestigieuses cantatrices se réclament d’elle. Notamment Isabella Colbran, la compagne de Rossini, ainsi que Giuditta Pasta qui a créé tant de rôles de Bellini. Si elles se réclament d’elle, c’est donc que son impact fut énorme. La Grassini était une immense virtuose mais qui se réclame d’un art sérieux, dramatique (alors que Giulietta e Romeo est un feu d’artifice de vocalises partout !).
J’ai donc pris ce projet comme un grand défi vocal. Les typologies de voix ont vraiment changé : la créatrice du rôle, la Grassini, est appelée “contralto” alors qu’elle est mezzo-soprano, avec même une très grande extension dans l’aigu, et une capacité virtuose à vocaliser. J’ai dû m'habituer un peu à la plateforme vocale qui est un tout petit peu au-dessus (plus aiguë) de ce dont j’ai l’habitude. Toutefois, l’ambitus est exactement celui d’un rôle rossinien (un peu plus court même : descendant moins dans le grave). J’ai justement avec mon instrument ce plaisir de voyager et je veux bien remonter du moment que je peux redescendre. Il a fallu donc apprivoiser cette Giulietta qui est beaucoup dans la zone du passage, mais j’adore cette écriture, cette vocalité ornementée, elle m’est familière (d’autant que je vais chanter du Rossini plus tard dans la saison). »
Notre article grand format présentant cette production à Versailles vous attend ici, et vous pouvez retrouver tous les épisodes de cette série d’Airs du Jour :
1. Roméo par Franco Fagioli
2. Juliette par Adèle Charvet
3. l'amour de Juliette et Roméo
4. la mort de Roméo et Juliette
5. Gilberto par Nicolò Balducci
6. Mathilde par Florie Valiquette
7. Everardo par Krystian Adam
8. Teobaldo par Valentino Buzza
9. Orchestre Royal
10. Chœur Royal