Les Lombards de Verdi à l’Opéra de Liège : le chœur
« I Lombardi alla prima Crociata est le quatrième opéra de Verdi produit à La Scala de Milan (ayant obtenu un bon accueil du public milanais, l’œuvre sera proposée à Paris sous le nom de Jérusalem dans une version en français avec ballets). I Lombardi est un grand opéra dans lequel le chœur est au premier plan. Son rôle y est essentiel et il est traité comme une partie soliste. Pour preuve, Verdi les fait intervenir dans 18 scènes avec un art vocal sublimé. Les scènes de chœur oscillent entre les passages belliqueux et violents des chœurs d’hommes aux instants les plus doux et délicats des chœurs de religieuses cloitrées, ou du ton sarcastique et ironique des chœurs de femmes dans le harem. Verdi offre aux chœurs les plus beaux moments dans cette œuvre.”
Il ouvre et referme ainsi le dernier acte : “Le troisième acte s’ouvre avec le son du chœur arrivant des coulisses comme dans un rêve avec un appel qui implore le nom de la ville promise à ”délivrer” : Jérusalem. Au moment ultime de l'opéra, le Te Lodiamo (nous te louons) quand sur Jérusalem flotte le drapeau des croisés, une vague profonde et inexorable de son submerge la scène, les chœurs portent les solistes qui expriment leur amour.
Sans doute le plus célèbre moment musical de l'opéra est le magique “O signore dal tetto Natio” (O Seigneur tu nous appelles de notre pays natal) véritable chant d’amour pour la patrie dans lequel les pèlerins Lombards prient Dieu et se rappellent l’air frais, la beauté de la nature et la paix de leur pays. Ce moment unique, suspendu dans le temps n’a d’égal en puissance émotionnelle que le “Va pensiero” de Nabucco.
Tout chef de chœur doit se demander comment travailler une œuvre ou un passage de chœur comme “O signore dal tetto Natio” qui est déjà autant chargé de significations, d’attentes, et d’espérances de la part du public ? Comment un morceau qui est sans doute le plus célèbre de l'opéra doit-il culminer tout en s’inscrivant dans une l’unité dramatique d'une œuvre complète ? Est-il suffisant de connaître l’historique de la période du Risorgimento et de l’attachement viscéral de Verdi à l’unité de l'Italie pour faire passer l’émotion ? Faut-il piocher dans la biographie de Verdi pour y apprendre qu’il est né Français (cocorico) dans le département du Taro alors sous domination Napoléonienne et que quelques mois plus tard ce même département devenant autrichien sous le règne de l’ex-impératrice des Français Marie-Louise d’Autriche, expliquerait son attachement à la patrie idéalisée ? Il y a de cela… Mais est-ce tout ?
Nous travaillons le texte en faisant attention à chacune des voyelles à chacune des consonnes. Nous homogénéisons chaque syllabe afin d’obtenir la même couleur. Combien d’efforts et d’heures passées dans une vie de chef de chœur sur un “a”, sur un “é” et qui n’est pas un “è”, un “s” sournois à la fin d’un mot mais tellement sensuel entre deux voyelles. Puis viennent les notes déjà imprimées dans une mémoire collective avec les nuances inhérentes au texte. Ensuite, tout en construisant une unité de son de chœur homogène, nous travaillons les accents tellement typiques de la richesse de l’écriture musicale de Verdi : un staccato n’est pas un martellato qui n’a rien avoir avec un tenuto [piqué, martelé, tenu, ndlr].
Nous sommes maintenant sur le fil du rasoir. En faire trop serait caricatural de la pensée musicale en la rendant pompeusement vulgaire, n’en pas faire assez rendrait le passage insignifiant et ennuyeux.
Faire exactement chaque note, chaque mot, chaque accent avec l’honnêteté de l’artisan et avec la conscience du travail “bien” accompli, voilà la difficulté tout en espérant que quelque part, par-dessus nos épaules, le Grand Maître nous dise : Bene, bene. »
Rendez-vous demain pour le dernier épisode de cette série vous présentant les personnages de cet opéra.
Et rendez-vous à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège pour cette nouvelle production mise en scène par Sarah Schinasi, et dirigée par Daniel Oren.
Et retrouvez ci-dessous les 10 épisodes de cette Série :