Coffret Massenet d’ATMA Classique : Marc Boucher
« Je mourrai plus que toi est l’une des rares mélodies de Massenet sur un texte de Verlaine (il n’y a que le duo Rêvons, c’est l’heure et celle-ci) et elle constitue tout un univers en soi. Cette mélodie est un subtil assemblage de plusieurs procédés d’écritures. Les premières mesures au piano semblent nous plonger dans un élan mélodique s’appelant de lui-même. Lorsque la ligne vocale débute, elle s’apparente plutôt à un récit chanté, qui se transforme deux mesures plus tard, en récit accompagné, se déposant avec grâce avec le retour du motif de l’introduction [à 0:30]. Puis une deuxième séquence de trois mesures avec le même retour au motif initial [à 0:56]. Et puis, la reprise du récit se fait, cette fois-ci, par l’entremise d’un développement lyrique, quasi opératique, appuyé à la voix sur quatre mesures [jusqu’à 1:35]. Retour à une séquence de récit accompagné au travers duquel la tension dramatique s’estompe peu à peu, pour mieux s'enchaîner à une intense montée pianistique [à 2:06] nous menant à un sommet de haute amplitude vocale : c’est le point culminant de la mélodie sur les mots “Quand je mourrai, mourras-tu toi ?” [à 2:15] Le locuteur dévoile alors le pronom de celle à qui est adressé le poème : “Elle”. Les quatre dernières mesures se terminent en un récit accompagné ample menant à une amère constatation quasi interrogative.
Cette façon de combiner les procédés expressifs est l’une des signatures de Massenet. Avec le compositeur, nous sommes très souvent à cheval entre l’action et l’état dramatique : le théâtre n’est jamais vraiment loin des vers. Une part du génie de Massenet relève de cette capacité de synthèse, comme s’il faisait se rapprocher, se fusionner, les deux mondes de l’expression lyrique que sont l’opéra et la mélodie. »
« Quand je cause avec toi paisiblement, Ce m’est vraiment charmant, tu causes si paisiblement !
Quand je dispute et te fais des reproches, Tu disputes, c’est drôle, et me fais aussi des reproches.
Suis-je heureux, tu te montres plus heureuse Encore, et je suis plus heureux, d’enfin ! te voir heureuse.
Pleuré-je, tu pleures à mon côté. Suis-je pressant, tu viens bien gentiment de mon côté.
Ah ! dis quand je mourrai, mourras-tu, toi ? »
Elle : « Comme je t’aimais mieux, je mourrai plus que toi. »
(Paul Verlaine)
Retrouvez ci-dessous les autres épisodes de cette série avec huit autres solistes lyriques ainsi que le pianiste Olivier Godin, et pour écouter des extraits ainsi que commander cette intégrale, rendez-vous sur le site d’ATMA Classique.
1- L'Heure douce par Marie-Nicole Lemieux
2- Poème du souvenir par Jean-François Lapointe
3- Élégie par Frédéric Antoun
4- Les Oiselets par Anna-Sophie Neher
5- Enchantement par Antonio Figueroa
6- Les belles de nuit par Magali Simard-Galdès
7- Les yeux clos par Karina Gauvin
8- Je mourrai plus que toi par Marc Boucher
9- Dieu créa le désert par Hugo Laporte
10- La dernière lettre par Olivier Godin