Otello de Rossini à Liège : des chœurs discrets mais essentiels
“Le chœur ? c’est nous tous ! affirme d’emblée Denis Segond (chef des chœurs à l’Opéra de Liège) au sujet d’Otello. Quoi de plus imposant et puissant que de voir et entendre ces masses sonores actives, prêtes à dénoncer une tyrannie, une injustice ou entonner un chant d’allégresse ou guerrier ? Depuis son apparition dans les tragédies antiques jusqu’à nos jours, le rôle du chœur est d’être la caisse de résonance de l’action qui se passe sur la scène entre les protagonistes. Le spectateur s’identifie par mimétisme et empathie à cette masse sonore et s’en approprie les émotions.
Otello, premier opéra seria en trois actes de Rossini, composé pour Naples, épouse toutes les conventions de ce genre musical. L’ouverture orchestrale alterne ainsi tempo lent et rapide [comme nous le présentait hier le chef d’orchestre de cette production], des récitatifs secco, entrecoupés d’airs à caractère virtuose et bien sûr des morceaux avec les chœurs.
La musique des chœurs se fond exactement sur les situations émotionnelles de l’œuvre. Juste après l’ouverture, le chœur de ténors et basses entonne un Vivat Otello qui ne laisse aucun doute sur le retour victorieux du héros, poursuit le chef. Ce chœur est soutenu par le brillant des cuivres et des percussions. Rossini nous dépeint musicalement la scène. L’enjeu vocal de cette première entrée du chœur est de trouver les mêmes couleurs solaires que l’orchestre tout en gardant une prononciation impeccable.”
Il est ici interprété par le Chœur de l’Opéra de Flandre :
“Cet opéra ne fait pas entièrement la part belle aux chœurs, néanmoins il faut porter son attention sur un joyau musical qui débute dans le finale de l’acte II. Cet acte est le tournant majeur vers le drame dont Desdemona va être la victime. Imaginez la scène : Desdemona reprend conscience après une violente dispute entre son père Elmiro et Otello. Elle ne sait pas si ce dernier est encore vivant. À l'orchestre se fait entendre une pulsation immuable qui nous glace d’effroi : nous allons vers un affrontement. Chantant sur cette pulsation rythmique pressante, le chœur des demoiselles (sopranos et altos) presque hors d’haleine est transi d’effroi. Nul ne sait si Otello est vivant. Sur ce, les suivants / confidents (ténors et basses) viennent répondre aux incertitudes et aux questions de Desdemona : oui, Otello est vivant. Ce passage musical est traité comme si le chœur était un oracle, d’une façon solennelle et presque détachée. Elmiro revient et accuse sa fille de l’avoir déshonoré, le chœur des confidents se transforme en un chœur accusateur prenant fait et cause pour Elmiro alors que le chœur des demoiselles plaide pour Desdemona. L’enjeu vocal et musical de ce passage est complexe. Comment garder les caractéristiques émotionnelles de chacun des deux chœurs qui chantent des paroles différentes tout en gardant une unité vocale ? Le travail sur la couleur vocale, sur la retenue de la consonne, ou sur la plus ou moins grande clarté de la voyelle est essentiel.”
Cecilia Bartoli incarne cette Desdemona avec les chœurs de l’Opéra de Zurich :
“Otello de Rossini est une œuvre dont les beautés musicales ont besoin de temps pour être découvertes et appréciées. Toutefois cette œuvre pointe directement vers le Rossini du grand opéra romantique” conclut le chef des chœurs Denis Segond.
Retrouvez cette production du 19 au 31 décembre 2021 à l’Opéra Royal de Wallonie.
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1- L'Orchestre : vous avez dit Rossini ?
2- Des chœurs discrets mais essentiels
3- Le rôle-titre
4- Desdemona
5- Emilia
6- Rodrigo
7- Iago
8- Duels en duos
9- Le Gondolier
10- Le Sénateur Elmiro