Vocabulaire français d'opéra : Dugazon et Galli-marié
Une fameuse antonomase vocale (un nom propre tellement célèbre qu'il devient un nom commun) est celle de "Dugazon". Cette voix correspond à la mezzo-soprano légère (appelée encore mezzo colorature) claire et virtuose, apte à parcourir les vocalises et passages mélismatiques avec facilité. Son nom vient d'une fameuse chanteuse de l'Opéra Comique, Louise-Rosalie Lefebvre Dugazon (1755-1821) et le répertoire qui lui correspond est principalement mozartien, en particulier les rôles de soubrettes. Il existe une division entre "jeune dugazon" qui correspond aux personnages vocalement juvéniles et "la mère dugazon", voix plus maturée.
En voici un bel exemple, l'air du Chérbin des Noces de Figaro ("Vous qui savez" - "Voi, che sapete") interprété par la virtuose Cecilia Bartoli, ici accompagnée au piano par Jean-Yves Thibaudet.
Le personnage travesti de Chérubin (interprété par une mezzo-soprano) représente l'archétype du jeune homme qui découvre tous les stades émotionnels de l'amour. Ses sentiments se tournent tout à la fois vers la Comtesse, vers Suzanne ou encore vers Barbarine. C'est un personnage tendre et juvénile, souvent effrayé par les fureurs du Comte. Cet air est une romance que Chérubin chante à Suzanne en lui faisant ses adieux :
Et voici une jeune dugazon française de nos jours, Chloé Briot. Elle interprète un autre air de Chérubin ("Non so più cosa son, cosa faccio" - "Je ne sais plus qui suis-je, que fais-je"), lorsqu'il exprime ses sentiments pour la Comtesse, et plus généralement pour la gent féminine.
Une autre mezzo antonomase est "Galli-marié" (mezzo-soprano dramatique), nommée d'après Célestine Galli-Marié (1840-1905) qui fut la créatrice du rôle de Carmen de Bizet. Elle est également à l'origine de la légendaire Habanéra dans cet opéra, l'air qui fut introduit après qu'elle a insisté et fait réécrire de nombreuses fois sa partie au compositeur.
Une galli-marié qui marqua la deuxième moitié du XXe siècle est la mezzo allemande Christa Ludwig que nous présentons avec deux extraits : le Lied "Morgen" de Richard Strauss et l'extrait de l'opéra Fidélio de Beethoven où elle endosse le rôle-titre.
"Morgen" ("Demain") est composé en 1894 par le jeune Richard Strauss, d'après un poème d'amour de John Henry Mackay. Dans la postérité, "Morgen" devint l'une des œuvres les plus souvent interprétées et enregistrées de Strauss, avec également une multitude de versions instrumentales.
Dans Fidelio de Beethoven, Don Pizzaro décide de tuer au plus vite son ennemi Florestan, qu’il détient arbitrairement. Il ordonne qu’on le prévienne si la voiture du Ministre s’approchait de la prison, puis tente de soudoyer Rocco pour qu’il tue Florestan. Ce dernier s’y refusant, il se résout à se charger lui-même de l’exécution, mais demande à son geôlier de creuser une tombe. Fidelio, qui a entendu la fin de la conversation, s’inquiète : il n’est autre que Leonore, la femme déguisée du prisonnier Florestan (« Abscheulicher ! Wo eilst du hin ? »).