¡ FrancEspaña !
Par ces temps où l'unité de notre continent est encore et toujours mise à mal, poursuivons un petit parcours européen musical discographique de projets qui rappellent les amitiés entre nos nations : après la frontière maritime au Nord-Ouest (le Brexin musical au Pas-de-Calais), la frontière terrestre au Sud-Ouest comme le proclame le titre de ce nouvel album :
¡ España !
La soprano Géraldine Casey et le pianiste Philippe Barbey-Lallia proposent "un parcours à travers l'art et l'âme du chant espagnol, sous ses formes musicales les plus diverses". Comme ils le rappellent très bien, il ne saurait être question de proposer un "résumé" du patrimoine ibérique tant ce pays est lui aussi un continent de sons et de passions, de folklores et traditions, dans ses diverses régions. Les compositeurs mis à l'honneur dans ce disque en sont des preuves éloquentes réintégrant l'héritage musical populaire dans des traditions savantes de la fin du XIXe à la fin du XXe siècle, faisant voyager ces traditions à travers le pays et chez les voisins.
D'ailleurs l'esprit européen n'a-t-il pas été et ne demeure-t-il pas un outil d'union, de partage et de paix entre Castille et Catalogne, comme entre Espagne et France et alii ?
Si le compositeur Ferran Obradors (né en 1897 et mort en 1945 dans sa ville de Barcelone) ouvre cet album et en occupe le cœur avec dix pistes, c'est pour initier le voyage européen et suivre une piste qui mène à Paris, ville devenue une seconde maison pour tous les autres compositeurs du programme : Joaquín Rodrigo, Manuel de Falla, Federico Mompou, Joaquín Turina, Enrique Granados et même le cubain Joaquín Nin.
L'occasion est ainsi offerte une nouvelle fois, par cet album inspiré, de constater les éloquents liens musicaux qui se sont encore renforcés entre la France et l'Espagne au fil du XXe siècle : en l’occurrence combien la musique savante s'est inspirée de l'esprit hispano-parisien d'alors, entre retour à la polyphonie chrétienne sous l'égide de Vincent d'Indy à la Schola Cantorum et Salons s'enrichissant des liens entre les arts et des nouvelles harmonies de Ravel ; combien, également, bien entendu, Paris et les compositeurs français ont été séduits par la musique d'Espagne et y ont puisé pour leur langage.
Or, cette rencontre entre savant et populaire est particulièrement illustrée par les interprètes de ce disque : la soprano mettant au service sa technique lyrique (toujours appuyée, même virevoltante par élans enivrants) au service de la canción tandis le pianiste infuse ses ostinati (répétitions rythmiques obstinées), picotements et liés de la fougue guitaristique comme de l'élégie espagnole.