Ariadne à Naxos Rouen novembre 2024
Bien belle représentation d’Ariadne auf Naxos à l’Opéra de Rouen.
Beaucoup de plaisir à retrouver une mise en scène signée de Jean-Philippe Clarac et d’Olivier Delœuil. Ils mettent leur culture, leurs idées et leur savoir-faire au service de cette œuvre si singulière qu’est Ariane à Naxos : un méta-opéra, ou un opéra sur l’opéra, ou une mise en scène miroir … où toutes les relations entre mécènes et artistes sont évoquées voire même contestées, même si finalement mises en œuvre en mélangeant les genres Commedia dell’arte et opera seria.
Les décors s’articulent comme dans Serse autour du bois, à la couleur claire et dorée (sauf exception à découvrir) et aux formes arrondies, ce qui offre un visuel fort agréable.
Mise en scène, décors et costumes – de ville pour le prologue et de théâtre contemporain pour l’opera seria - sont nourris de détails, jusqu’au col du vêtement de Bacchus qui rappelle le bateau qu’il vient de quitter lorsqu’il apparaît sur scène…
Les chanteurs arrivent et sortent de tous côtés (jardin, cour, dessous de scène, cintres…) et évoluent également en vidéos.
Ben Glasberg à la baguette opère avec sa maestria habituelle par sa vivacité dans le prologue qui souligne le côté théâtre de cette partie et sa clarté et ses subtilités dans l’opéra.
Le chef permet à chaque instrument de l’orchestre, restreint comme voulu par Richard Strauss qui admirait Mozart, de faire respirer la ligne mélodique ample à l’allure post wagnérienne qui souligne le trouble des personnages jusqu’à l’apothéose finale.
Les voix des premiers rôles ne sont pas les plus convaincants, comme souvent à Rouen sans doute pour des raisons de coût sauf pour les exceptionnels chanteurs que furent Serse, et plus récemment Isolde et Tristan mais j’y reviendrai ultérieurement.
Sally Matthews a du mal à pousser la voix d’Ariane vers la limite la plus aigüe de sa tessiture, elle force tellement qu’elle en "crie" presque ; mais on l’avait déjà entendue ou plutôt pas beaucoup entendue en concert il y a quelque temps et on ne ressent que peu de déception puisque l’on misait bien peu sur elle.
Le Bacchus de John Findon n’est pas très soutenu non plus, mais il a un timbre rond qui est agréable.
Pas l’occasion d’énumérer tous les chanteurs qui défendent bien leur partie, mais il faut s’arrêter sur celle qui domine l’ensemble de la soirée avec une aisance assurée dans son air de bel canto de soprano colorature en la personne de Caroline Wettergreen qui campe une exceptionnelle Zerbinette : elle traverse la progression de son air de façon époustouflante, claire, belle et captivante et notre attente fut comblée.
Certes la Direction n’ignore pas que l’air de Zerbinette est réputé pour être le plus long et le plus dur de tout le répertoire de l’opéra, et toute l’attention a été portée dessus.
Une dichotomie pour finir, celle que le librettiste Hugo von Hofmannsthal adressait au compositeur Richard Strauss : "Qui veut vivre doit se dépasser, se métamorphoser, oublier. Et pourtant, persister, ne pas oublier, être fidèle, c’est à cela que tient la dignité de tout homme."