Opéra bouffe au Teatro Colón après le récital de Javier Camarena
Reportage
Le récital du ténor mexicain à Buenos Aires est aussi suivi d’une soirée de mécénat avec dîner au prix fort :
L’entrée par le foyer principal du Théâtre annonce la couleur par un jeu d’illumination signé du designer argentin Sergio Lacroix : le récital de Javier Camarena est aussi l’occasion pour le Teatro Colón d’organiser la toute première levée de fonds auprès de généreux donateurs, avec la polémique qu’engendre pour l’occasion cette privatisation du plus important temple lyrique d’Amérique latine dans le contexte socio-économique d’une Argentine à terre face à ses créanciers. Notre collègue Sergio Sosa Battaglia déplore une « soirée musicale qui [utilise] une "célébrité lyrique" comme Javier Camarena pour monter un show "d'élite" dans une Argentine brisée, dans une ambiance pleine de clinquant. »
Si l’idée d’un repas pour de riches mécènes bienfaiteurs n’est pas nouvelle dans le monde lyrique (elle est même habituelle au Metropolitan Opera de New York où le dîner de Gala coûte la modique somme de 25.000 dollars tandis que l’Opéra de Paris proposait des formules entre 1.750 et 5.000 € pour le Gala avec dîner du concert Renée Fleming en avril dernier), c’est en revanche une première au Teatro Colón de Buenos Aires, où cette levée de fonds privés vise à renforcer la trésorerie entièrement alimentée par des fonds publics (la gestion du théâtre dépendant exclusivement du gouvernement de la ville de Buenos Aires). Pour la somme de 120.000 Pesos argentin (environ 900 € au taux de change officiel sachant que le salaire mensuel brut moyen de 158.000 Pesos en Argentine, soit inférieur à 1200 €), le donateur assiste ainsi au récital de Javier Camarena depuis le 1er balcon réservé à cette clientèle fortunée, où de délicates attentions chocolatées l’attendent. Le clou gastronomique de la soirée réside dans un menu conçu par le chef Germán Martitegui, l’un des animateurs TV du MasterChef argentin. Ce repas est partagé après le récital de Javier Camarena (et naturellement en présence de celui-ci) au salon doré du théâtre, dans l’une des ailes du 1er étage du prestigieux bâtiment, qui regroupe pour l’occasion environ 120 convives accueillis par le discours du Directeur Général du Teatro Colón mais aussi celui de Felipe Miguel, Chef de cabinet du Chef de gouvernement de la ville de Buenos Aires (une initiative sur laquelle la maison communique au grand jour avec photos et communiqués). Les convives peuvent y déguster le menu suivant, sans plats alternatifs : des gnocchis de ricotta avec une sauce aux truffes en entrée, du lieu noir de Patagonie accompagné d’un bouillon de parmesan et d’une purée fumée au charbon comme plat principal, et enfin, en guise de dessert, une glace aux parfums de yogourt, d’amande et de poire. Chaque étape du repas est naturellement accompagnée de vins fins.
Carré (VIP) blanc sur fond blanc
Le chef s’explique sur l’esthétique de ce repas, qui repose sur des variations de blanc : « L’idée de choisir un menu où tout est blanc réside dans le fait de penser l’art comme une toile blanche qui va nous laisser créer. On pense à une partition qui, par la suite, se remplit de notes. Le menu est entièrement blanc mais présente différentes saveurs qui commencent à apparaître comme si c’était des notes de musique au milieu de la nourriture. »