Deux générations de clavecins à l'église de Thiré
A l’occasion de la dixième édition du Festival des Jardins de William Christie, le chef renommé et Justin Taylor se retrouvent au clavecin, à l’église de Thiré, l’avant-dernier soir de la clôture.
C’est, pourrait-on dire, l’élève et le maître qui se rencontrent ce soir-là à l’église de Thiré, pour un concert de deux clavecins autour des œuvres de Purcell, Hændel ou Couperin. Mais l’amitié et la connivence des deux artistes dépasse ces simples catégories : ensemble, ils déploient dans leur jeu, par leur maîtrise et dans leur justesse, une magnifique harmonie où les deux instruments n’en font plus qu’un.
Alors que le soir tombe à Thiré, l’on s’en vient écouter ce concert aux chandelles, qui font lumière sur deux figures musicales d’abord opposées : William Christie, plus âgé, rigide et impassible, presque inaltérable semble-t-il, pose une stature sobre et élégante à son clavier. En diagonale de lui, à l’autre clavecin, Justin Taylor, l’air plus enjoué et juvénile, danse sur les notes avec une émotion et un plaisir musical visibles. Tous deux s’accordent cependant dans un parfait ensemble, avec une implacable justesse et une vibrante souplesse qui transportent par-delà les âges, dans un sentiment d’infini – la stricte mathématique musicale est présente, mais laisse la part belle au raffinement des accords et à une certaine émotion.
Ainsi, le public découvre ou redécouvre Haendel ou Purcell ou d’autres compositeurs anglais, Tomkins et Farnaby ; mais la musique française brille aussi avec Couperin, dans une très belle Allemande à deux clavecins en la majeur, honorée par la virtuosité des deux artistes, ainsi que Rameau et la Danse des sauvages des Indes Galantes, jouée dans un bis entrainant qui ravit le public. A cela s’ajoute notamment une suite de Gaspard le Roux, compositeur mystérieux (on pense que son nom est un pseudonyme utilisé par un autre musicien) et fort affectionné des deux clavecinistes, qui achèvent d’ailleurs le dernier bis par une autre de ses pièces.
Le concert prend alors fin et, en attendant le concert des Méditations qui doit clôturer la journée, le public quitte l’église dans la nuit fraîche, l’esprit encore abandonné aux notes claires et raffinées de cette symphonie des deux clavecins.