Gounod orchestral à Limoges, ou l’inventeur en quête d’une nouvelle musicalité
L’Opéra de Limoges se met aussi à l’enregistrement en direct, en proposant une soirée autour des pièces pour orchestre du français Charles Gounod. En dépit de l’absence de public, l’orchestre se montre enthousiaste et précis, au grand plaisir du chef Nicolas André et des (télé)spectateurs.
Pour l’Opéra de Limoges, le chef Nicolas André propose une soirée consacrée à la production orchestrale de Charles Gounod (1818-1893), avec comme élément central sa Symphonie n°2 (1856), encadrée par la célèbre Marche funèbre d’une marionnette (1879), et enfin la suite orchestrale du ballet de Faust (1869). Initialement conçue dans une thématique « Faust » en parallèle de la grande soirée Faust nocturne, qui mêlait danse et musique autour du texte d’Olivier Py (malheureusement annulée à cause de la situation), les choix de ce programme orchestral nous montrent des facettes méconnues ou malaimées de Gounod, que l’on découvre ici avec plaisir.
Le chef Nicolas André, à la formation en partie baroque, nous livre en effet ici une interprétation particulièrement soignée, voire ciselée, des œuvres de Gounod. Disant lui-même aimer une certaine « rhétorique française » allant de Charpentier à Debussy, il s’arrête ici sur Gounod. Très loin des images de musique française soporifique, il donne du sens à chacun des motifs des œuvres, redonnant toute leur complexité à des œuvres connues et parfois méconnues.
Pour cela, Nicolas André s’appuie sur des cordes particulièrement attentives, qui montrent ainsi une grande souplesse d’interprétation, tout autant dans les jeux d’harmonies du Ballet, que dans les petits mécanismes rythmiques du Scherzo de la Symphonie. On peut ainsi noter la justesse des premiers violons dans la cinquième pièce du Ballet, ou encore la précision des terminaisons vibrées de la deuxième pièce (Ballet). Les cordes plus graves s’illustrent par leur fiabilité, tandis que les altos se remarquent par leur engagement, dans des contrechants sonores et particulièrement musicaux. Plus généralement, on apprécie ce jeu autour des chants-contrechants que construit le chef entre les musiciens. Dans le finale de la Symphonie, les transferts de voix prennent une dimension presque narrative, témoignant peut-être de la fameuse « rhétorique » dont parle Nicolas André.
Chez les vents, le clarinettiste Filippo Riccardo Biuso se distingue par une grande finesse, qui ne perd jamais en puissance, en particulier dans la Marche funèbre. Jean-Yves Guy-Duché se remarque aussi, avec un piccolo très juste et assuré dans la troisième pièce du Ballet. Si la partition de hautbois semble parfois un peu plus difficile, on peut tout de même souligner l’attention d’Eléonore Desportes tout au long du concert. Le groupe des cornistes se montre alors aussi très volontaire et puissant, accompagné par les percussionnistes, notamment dans la dernière pièce du Ballet, qui résonne à la fois comme un aboutissement, et un soulagement, peut-être celui de jouer, enfin.
Cette soirée est en effet particulièrement touchante, car malgré les conditions étranges de son déroulement (pas de public mais des caméras...), l’orchestre s’engage pleinement, et jusqu’au bout. En ce sens, aux côtés d’un chef comme un Faust devenu danseur, les musiciens de l’orchestre font des sept pièces du Ballet une apothéose joyeuse et puissante, plaidoyer pour le concert vivant.