Présentation de la production
La version que nous livre le metteur en scène autrichien Martin Kusej est aux antipodes des turqueries pittoresques qu’inspire souvent l’opéra. L’action est transposée aux années 1920, période pivot pour le Moyen-Orient, qui voit l’apparition de l’islam radical en tant que mode de résistance à l’ingérence occidentale. Le sérail est désormais un campement dans le désert, dont le sable n’aura de cesse d’être dispersé par le mistral. Les janissaires du sérail sont ici des miliciens armés de mitraillettes, drapés en noir jusqu’au visage. Les dialogues du singspiel ont été partiellement modifiés, intégrant des bribes d’anglais, et des références à l’or noir et même aux soixante vierges promises aux djihadistes.
La dimension grinçante de l’œuvre est ainsi mise en avant, puisque le happy endconventionnel n'a pas été conservé : le sauvetage in extremis des occidentaux par la mansuétude du pacha est ainsi supplanté par la cruauté d’Osmin, qui les assassine malgré les ordres de son maître. Le spectateur comprend bien vite qu’au-delà des années 20, c’est notre époque qui est visée, avec la recrudescence de la barbarie extrémiste. Kusej a manifestement jugé impensable de livrer une fantaisie orientale au vu de la conjoncture actuelle dramatique.