En Bref
A savoir sur cette production
« La leçon qui m'a été inculquée de force l'année dernière, je l'ai enfin apprise, et jamais je ne l'oublierai : je ne suis pas un Allemand, ni un Européen, peut-être même à peine un être humain, mais je suis juif. » Malgré une conversion au protestantisme dans sa jeunesse, Schönberg est la cible d'attaques antisémites dès 1921. La violence de ce rejet l’ébranla et le décida à renouer avec ses racines, tout en développant une lecture très personnelle de l’Ancien Testament. Esquissé sous la forme d'une cantate bientôt élargie aux dimensions d'un oratorio, le projet devint un opéra philosophique opposant les deux frères Moïse et Aaron, la radicalité et le compromis, ou encore la parole embarrassée et le lyrisme du chant, face à la communauté versatile incarnée par des choeurs à l’importance exceptionnelle. « Ô mot, toi qui me manques ! », la dernière réplique prononcée par Moïse, condense la faiblesse tragique du prophète et l’expression de son impossibilité à surmonter ses propres contradictions. Revenu officiellement au judaïsme à Paris peu avant son exil aux États-Unis, l'inventeur du dodécaphonisme fut lui-même en proie, durant les deux décennies qui lui restaient à vivre, à une impuissance quasi existentielle, celle d’achever Moses und Aron. Avec ce chef-d'oeuvre, Philippe Jordan guide l'ensemble des forces musicales de l'Opéra de Paris, et Romeo Castellucci fait des débuts très attendus sur la scène de l’Opéra Bastille.