En Bref
A savoir sur cette production
Le mythe comme une page blanche, à réécrire sans cesse ; c’est un palimpseste. Celui de Don Giovanni superpose le personnage, né en 1630 sous la plume de Tirso de Molina, dans El burlador de Sevilla, le dramma giocoso de Mozart et Da Ponte, créé à Prague en 1787, et la vie du compositeur, elle aussi auréolée du statut de légende. L’acharnement herméneutique auquel tous trois sont soumis depuis plus de deux siècles n’a cependant pas eu raison d’un élan vital irrépressible, ni épuisé les énigmes posées par l’opéra des opéras. Dans sa première mise en scène lyrique, créée au Palais Garnier le jour même du deux cent cinquantième anniversaire de la naissance de Mozart – date symbolique, qui lui donnait valeur de manifeste –, Michael Haneke faisait table rase des fantasmes romantiques propagés par la nouvelle d’E.T.A. Hoffmann, pour mettre à nu des êtres dévorés, qui par le désir, qui par le calcul. S’appropriant le temps musical jusqu’à disséquer le moindre récitatif au scalpel, le cinéaste projetait la rage de vivre du dissoluto dans l’ici et maintenant d’un huis clos implacable, circonscrit au dernier étage d’une tour de La Défense. Dans un monde où Dieu est mort, où les statues ne parlent plus, le châtiment ne pouvait plus s’abattre par la main glacée du Commandeur, mais arborait le masque de la vengeance des membres de l’équipe de nettoyage, victimes devenues bourreaux. L’Opéra de Paris reprend cette production pour la dernière fois.