Etat civil
- Compositeur
Biographie
Kaija Saariaho est une compositrice finlandaise née à Helsinki le 14 octobre 1952 et décédée à Paris le 2 juin 2023 à l’âge de 70 ans. Elle commence par apprendre le piano, l’orgue et le violon à l’âge de six ans puis, manifestant un intérêt pour les différents timbres et sonorités, elle multiplie les disciplines instrumentales en se mettant à la guitare dès ses treize ans. Elle entame ensuite des études à l’Académie des Beaux-Arts d'Helsinki, bien que mûrisse en elle l’idée de devenir compositrice. C’est à partir de 1976 qu’elle se consacre pleinement à la musique : elle intègre la classe de composition de Paavo Heininen à l’Académie Sibelius (toujours à Helsinki) où elle fait la rencontre de jeunes compositeurs, notamment Esa-Pekka Salonen qui l’accompagnera dans nombre de ses futurs projets musicaux.
En voyage en Europe au début des années 80, Kaija Saariaho y découvre la musique spectrale (un courant français des années 70 qui s’intéresse au son et ses propriétés acoustiques comme matériau et cherche à le traiter comme tel dans la composition) à travers les travaux de Tristan Murail et de Gérard Grisey. Son travail est dès lors infusé de cette technique de composition qui marque profondément son parcours réflexif et musical : dès 1980, elle explore les possibilités de l’informatique musicale dans plusieurs studios acoustiques. Elle étudie encore deux ans à l’université de musique de Fribourg (Allemagne) auprès de Klaus Huber et Brian Ferneyhough avant de s’installer définitivement à Paris, où elle mène une recherche sur la musique assistée par ordinateur à l’Ircam à partir de 1982.
Kaija Saariaho porte un intérêt particulier aux sons de la flûte et du violoncelle, qu’elle explore notamment dans Lichtbogen (arcs de lumières), une commande du Ministère français de la Culture créée avec l'Ensemble 2e2m à Paris en 1986. Son travail de recherche d’homogénéité, voire de fusion, des timbres des instruments et de l’électronique se cristallise dans son premier ouvrage orchestral, Du Cristal… à la Fumée, un diptyque explorant ces deux matières organiques par le même matériau acoustique et composé entre 1989 et 1990. En 1992, elle poursuit ce travail avec Amers pièce pour violoncelle et ensemble, et Près, son prolongement pour violoncelle et dispositif électroacoustique. Elle se rapproche également de la soprano américaine Dawn Upshaw, pour qui elle compose en 1996 Le Château de l’âme et Lonh (en lien avec la formule amor de lonh en langue d'oc des troubadours : signifiant "amour de loin" et qui aura donc une place essentielle dans son chemin vers l'opéra).
Jusqu’alors réticente à l’idée de composer de l’opéra, genre qu’elle qualifie de “dépassé”, elle finit par trouver en l’art lyrique une forme adéquate à son travail de recherche musicale : elle est notamment convaincue par une représentation de Saint François d’Assises d’Olivier Messiaen mis en scène par Peter Sellars en 1992. De fait, son premier opéra, L’Amour de loin, oriente irréversiblement sa carrière vers le genre lyrique. L’ouvrage, créé en août 2000 au Festival de Salzbourg sous la direction de Kent Nagano, est inspiré de l’œuvre littéraire de Jaufré Rudel (XIIe siècle) et conte la traversée de la Méditerranée de ce dernier pour rencontrer la Comtesse de Tripoli, dont il est tombé amoureux sur description d’un pèlerin. Cette première œuvre scénique, qui marque le début de sa collaboration avec le librettiste franco-libanais Amin Maalouf et le metteur en scène américain Peter Sellers, est un franc succès et lui vaut le lancement de sa carrière internationale. Sa collaboration avec Maalouf et Sellars se poursuit en 2006 pour ses deux opéras suivants : Adriana Mater, et l’oratorio La Passion de Simone créés respectivement à l’Opéra Bastille sous la direction d’Esa-Pekka Salonen et au Jugendstil Theater de Vienne sous la direction de Susanna Mälkki. À travers ses œuvres, Kaija Saariaho cherche à rendre hommage à de grandes figures féminines de l’Histoire en visibilisant leur travail. Ainsi, après La Passion de Simone -qui retrace la vie de Simone Weil, philosophe humaniste française, par ses écrits-, elle compose Émilie, un quatrième opéra toujours sur un livret d’Amin Maalouf qui s’inspire d’Émilie du Châtelet, scientifique française du Siècle des Lumières, créé à l’Opéra de Lyon en 2010. Son avant-dernier opéra, Only the Sound remains, est créé à Amsterdam en 2016 encore une fois dans une mise en scène de Peter Sellars, sous la direction d’André de Ridder. L’œuvre s’inspire du théâtre traditionnel japonais Nô et met en musique les textes du poète américain Ezra Pound. Dans la continuité d’un éclectisme manifeste des thématiques de ses œuvres, son ultime opéra, Innocence, composé sur un livret de Sofì Oksanen traduit du finnois par son fils Aleksi Barrière, évoque le traumatisme lié à une tuerie de masse dans un lycée en s’inspirant de la fusillade de Tuusula (Finlande) en 2007. L’œuvre est créée au Festival d’Aix-en-Provence de 2021.
Kaija Saariaho s’éteint des suites d’un cancer le 2 juin 2023 à l’âge de 70 ans. Son dernier ouvrage, HUSH, un concerto pour trompette, sera créé en août 2023 à Helsinki.