Création Mondiale à l'Opéra de Tours : Les Fées du Rhin de Jacques Offenbach
L’Opéra de Tours propose Les Fées du Rhin d’Offenbach. Il s’agit d’une double première : création de l’œuvre avec son livret original français (signé Charles Nuitter), et première version scénique de l’œuvre en France.
Les Fées du Rhin furent en effet créées avec succès à Vienne en 1864 sous le titre Die Rheinnixen (voir notre dossier sur l’œuvre), mais jamais reprises en France. Offenbach réutilisa plusieurs pages de l’œuvre dans certaines de ses œuvres à venir : l’air des cloches chanté par le belliqueux capitaine Conrad deviendra ainsi l’air de Sparck dans Fantasio (1872) ; la chanson à boire du Conrad sera utilisée pour les couplets bachiques de Hoffmann au quatrième acte des Contes ; et le chœur des elfes (qui constitue l’essentiel de l’ouverture) deviendra la célèbre « Barcarolle ».
Le livret, quelque peu alambiqué, n’est pas plus mauvais que tant d’autres, et il offre des personnages forts (une mère déchirée par la mort – supposée – de sa fille, la conversion d’un soldat violent et belliqueux aux valeurs humanistes grâce à l’amour filial) et des situations hautement dramatiques, étonnantes même pour certaines dans la violence qu’elles donnent à voir (une jeune fille, Laura, maltraitée par des soldats – parmi lesquels se trouve son propre père – qui la forcent à chanter jusqu’à l’épuisement et la laissent pour morte – telle l’Antonia des Contes d’Hoffmann).
La
mise en scène de Pierre-Emmanuel Rousseau ne cherchera nullement à
édulcorer la dimension tragique et violente de l’ouvrage :
l’action, initialement inscrite dans le cadre de la guerre des
paysans en Allemagne au XVIe siècle, est transposée dans
les Balkans, en Bosnie, dans un contexte de guerre et de violence
faisant écho à celui du livret original. C’est le metteur en
scène lui-même (il signe également les décors et les costumes de
la production) qui est à l’origine de ce projet : très
attaché à l’œuvre, il dit y avoir trouvé, outre la musique
absolument étonnante du compositeur, de nombreux thèmes
particulièrement riches : le deuil, l’absence, la filiation –
les personnages se torturant entre eux alors qu’ils se découvrent,
in fine, unis par les liens du sang ou de l’amour. Enfin, un
thème cher à Offenbach qui sera repris dans son chef-d’œuvre
posthume : le chant mortifère, ou l’épanouissement, la
transfiguration par l’art, liés inéluctablement à la
disparition, l’effacement.
La partition d’Offenbach est hautement inspirée et donne à entendre plusieurs pages exceptionnelles : la légende des elfes chantée par Laura (soprano)…
La légende des Elfes par Martina Zadro, lors de la première reprise contemporaine de l’œuvre (en allemand) à Ljubljana, en 2005.
… les airs de Franz (ténor), la tragique déploration d’Hedwig (mezzo-soprano), les duo Franz/Laura, Laura/Hedwig, Hedwig/Conrad, le finale,… Elle sera défendue par une distribution très séduisante : Serenad Burcu Uyar, Sébastien Droy, Marie Gautrot, Jean Luc Ballestra, Guilhem Worms et Marc Larcher.