Etat civil
- Chef d'orchestre
Biographie
Né en 1925 à Montbrison dans la Loire, Pierre Boulez étudie la musique après avoir écouté sa sœur aînée Jeanne jouer du piano. Il prend des cours particuliers près de Saint-Etienne et s'éveille alors en lui un goût certain pour la musique de chambre. Le jeune Pierre découvre la pratique de la chorale et son don : l'oreille absolue.
L'âge de la majorité atteint, il part s'installer à Paris. Après des études au Conservatoire où il suit les cours de Georges Dandelot et ceux d'Olivier Messiaen, il rencontre René Leibowitz. Il découvre à ses côtés l'école de Vienne menée par Schoenberg. Après avoir été séduit par l'audace du mouvement, très vite, sa rigidité lui déplaît et Boulez revient à l'harmonie de Messiaen. En 1946, Boulez compose sa Sonatine pour flûte et piano et s'affranchit de l'enseignement. Situé dans le Marais, son appartement reçoit John Cage et l'Avant-garde sérielle : Boulez sait déjà s'entourer des bonnes personnes.
Désireux de donner une place au répertoire contemporain, il lui offre en 1953 un espace d'expression en créant le « Petit Marigny », qui deviendra un an plus tard le « Domaine musical ». L'absence de chefs d'orchestre capables de diriger les concerts d'avant-garde qu'il accueille le pousse à en prendre la direction, sans baguette et en autodidacte. Parallèlement, il écrit Le Marteau sans maître sur des textes de René Char, partition clé de la musique moderne. L'expérience de Boulez s'enrichit et sa notoriété ne cesse de croître. A Darmstadt entre 1954 et 1965, on l'invite régulièrement dans des conférences. Alors qu'il s'affirme aux côtés de Stockhausen, Berio et Ligeti comme une personnalité influente de la musique, sa monographie, Penser la musique aujourd'hui, paraît en 1963.
En 1964, Boulez dirige à l'Opéra de Paris la toute première production de Wozzeck de Berg, sur une mise en scène de Jean-Louis Barrault. Deux ans plus tard, ayant eu vent de ses talents, le Festival de Bayreuth fait appel à lui pour remplacer Hans Knappertsbusch, mort subitement. Si sa direction de Parsifal s'attire de vives critiques, ce ne sera rien comparé au scandale qui secouera la colline sacrée en 1976. Chargé de diriger la Tétralogie pour le centenaire du festival, Boulez propose de confier la mise en scène à son fidèle ami Patrice Chéreau. Jugée à l'époque contraire à l'esprit wagnérien, la production bouleverse la manière de penser l'opéra. Celui qui affirme en 1967 dans un entretien au Spiegel qu'il faut "brûler les maisons d'opéra" réitère : il retrouve Chéreau trois ans plus tard pour la création de la version achevé par Friedrich Cerha de Lulu de Berg, à l'Opéra de Paris. Avec Jean Vilar et Maurice Béjart, il entame une réforme de l'opéra. Son but ? Rénover le genre, refonder la manière de penser l'opéra afin de le sauver de sa mort programmée.
Tandis que ses relations avec le pouvoir politique français se dégradent, sa réputation se propage outre-atlantique. L'Orchestre de Cleveland l'invite au début des années 60 et lui offre un poste de directeur musical. Pour réformer les institutions musicales françaises, André Malraux alors ministre de la Culture, préfère faire appel à Landowski, plus traditionnel. Furieux, Boulez publie son fameux « Pourquoi je dis NON à Malraux » dans le Nouvel Observateur, puis part s'installer à Baden-Baden, en Allemagne.
De 1971 à 1976, Boulez accepte de prendre la succession de Leonard Bernstein à la direction du prestigieux Orchestre philharmonique de New York. Avec lui, il lancera les concerts Rugs, destinés à élargir le public de la musique classique. De retour en France, Boulez crée successivement l'Ircam l'institut de recherche et de coordination acoustique/musique, à la demande du président Georges Pompidou, et l'Ensemble intercontemporain, dédié à la musique contemporaine. A l'Ircam, il créé Répons en 1981, œuvre phare de la musique spatialisée.
Jugé trop radical dans son engagement musical, intransigeant, Boulez était un pédagogue attentif, consacrant volontiers son temps aux jeunes musiciens. De 1976 à 1995, il officie comme professeur au Collège de France. Devenant un homme d'influence et de réseaux, son avis est consulté par Pierre Vozlinsky, directeur de la musique de Radio France, pour la construction de l'Opéra Bastille et de la Cité de la Musique à la Villette, qui deviendra le lieu de résidence de l'Ensemble intercontemporain.
En 1992, Boulez quitte la direction de l'Ircam pour se consacrer à la direction d'orchestre et à la composition. Invité régulièrement au Festival de Salzbourg et de Berlin, il créé en 1998 sur Incises, au Festival d'Edimbourg, puis Dérives. Depuis 1989, Boulez a signé un contrat d'exclusivité chez Deutsche Grammophon et continue son imposante discographie en enregistrant avec les plus grands orchestres. En 2013, le label allemand prend soin de lui consacrer un coffret de 13 Cds.
En 2015, à l'occasion de ses 90 ans, la Cité de la musique lui rend hommage en lui dédiant une grande exposition, témoignage de son empreinte indélébile sur la musique de la seconde moitié du XXe siècle. Il fallait bien rendre à César ce qui était à César : Boulez aura combattu presque un quart de siècle pour que cette cité voie le jour. Son dernier chantier, laPhilharmonie, inaugurée il y a presque un an, dote enfin Paris d'une salle capable d'accueillir de grandes formations et pallie selon lui au «ratage acoustique» de la Salle Pleyel.
Pierre Boulez disparaît chez lui à Baden-Baden, ce 5 janvier 2016, en laissant au monde un héritage colossal. Bâtisseur, théoricien, compositeur, chef d'orchestre ou encore homme d'influence, Boulez a su rendre à la musique ce qu'elle lui avait donné : une vision.