Festival de Pâques d'Aix-en-Provence 2024 : Chant de la Terre et Indes galantes
« L’idée de ce programme est assez ancienne et nous sommes très heureux de le donner dans ce magnifique festival. C’est un peu l’une des signatures de mon orchestre Les Siècles de pouvoir proposer au concert des alliages d'œuvres un peu surprenants… et que nous jouons toujours sur les instruments d’époque. Nous changerons donc d’instruments durant ce concert : entre les instruments baroques français et les instruments germaniques de la fin du XIXe siècle.
Ces deux œuvres sont très éloignées dans le temps mais elles ont vraiment un point commun : un regard vers le lointain et l’ailleurs pour créer des pièces très ancrées dans leur temps. Il y a là un sens musical et presque culturel fort : Rameau et Mahler construisent à partir de ce regard une œuvre musicale tout à fait singulière.
L'ailleurs, le lointain, l'exotisme peuvent bien sûr être des inspirations nuancées mais je pense que pour Rameau, c’est un voyage passionné : à une époque où beaucoup de voyages étaient fantasmés, il sait que la musique est l'expression artistique qui peut le plus immédiatement faire voyager l’imaginaire du public.
Avec Mahler c’est différent, son orchestre et les poèmes confiés à deux chanteurs lui permettent de rendre un hommage plus expressif dans le sens romantique : l’orchestre n’est pas particulièrement exotique, mais le voyage se joue dans les évocations sonores, d’un lointain qui peut nous toucher au plus profond.
Ces deux œuvres ont aussi un point commun très fort sur le traitement de l’orchestre.
Rameau est l’un des premiers compositeurs à avoir été passionnément intéressé par le timbre des instruments : il s’intéresse à leurs couleurs et leurs alliages (et pas seulement à leurs tessitures). Et Mahler a aussi, à sa manière, réinventé les possibilités de l’orchestre symphonique, dans une forme d’apogée, allant du doux et mélancolique, au rutilant. Ce sont deux très grands compositeurs d'orchestre, ce concert est donc aussi un hommage à l'orchestre.
S’il fallait choisir un passage de chaque œuvre, je choisirais la Chaconne des Indes galantes (j’adore les Chaconnes, les Passacailles : ces danses qui se répètent, qui font appel à la transe, avec de si belles harmonies). La Chaconne est la reine des danses françaises, telles que les compose en tout cas Rameau en les développant au maximum.
Et il est aussi aisé de choisir le dernier Lied du Chant de la Terre (Der Abschied - L’Adieu), toujours bouleversant de profondeur. Très souvent chez Mahler (et notamment dans la fin de cette mélodie), une forme de joie et d’espoir se fait aussi absolument sombre. C’est une richesse oxymorique qu’aucun autre compositeur n’a ainsi dans sa musique : cette infinie mélancolie de la joie. Cette dernière mélodie vient ainsi nous étreindre, nous toucher au plus profond.
Pour des œuvres avec de grands solistes vocaux, il s’agit de choisir selon l’esthétique de l’interprétation et la personnalité artistique. Andrew Staples et Marie-Nicole Lemieux composent une distribution de rêve pour ce concert. Elle a le plus beau timbre d’alto actuel (et c’est une personne qui m’émeut beaucoup), tandis que je travaillerai pour la première fois avec Andrew dont j’apprécie la vigueur et la fraîcheur. Ce sera assurément flamboyant. »
Retrouvez les deux autres épisodes de cette série : Le Messie de Haendel par Laurence Equilbey et la Missa solemnis de Beethoven par Jérémie Rhorer et vous pouvez retrouver le programme complet & réserver vos places pour le Festival de Pâques d'Aix-en-Provence 2024 à cette adresse