Andromaque à Saint-Etienne : Pyrrhus
« Pyrrhus aime une femme (Andromaque) qui lui résiste, le fuit (par fidélité pour son époux mort, Hector), et plus elle le fuit, plus il lui court après : il est prêt à mettre dans la balance son royaume et son peuple.
Oreste et les Grecs exigent la mort du fils d’Andromaque (Astyanax). Pyrrhus défend d’abord la mère, et le fils avec, quelles qu’en soient les conséquences (en expliquant que trop de sang a déjà coulé). Il le proclame alors : “Je vole à son secours, Je jure de le défendre”. Il est d’abord doux et essaye de la séduire avec notamment “D’un seul de vos regards payez tant de tendresse, D’un seul de vos regards vous ferez son bonheur.”
Mais derrière cette bonne intention se dévoilent bientôt les desseins de son ambition : il veut avant tout conquérir le cœur d’Andromaque, avec probablement une part d’orgueil. Je vois alors dans cette incarnation une folie extrême, et qui se traduit dans la musique : il est toujours dans l'extrême de la tessiture, sur le passage, dans la vaillance (je me suis amusé à compter le nombre de notes au-dessus de la portée alors que le rôle est relativement court). L’écriture musicale est redoutable, héroïque dans le côté terrible.
Le personnage est écrit de manière très intense, avec des airs courts, sans reprise : cela traduit une forme d’urgence, de pression, de courses aux abîmes. Il est un homme puissant et frustré, un monarque enfant gâté. D’autant qu’à chacune de ses pages il change d’avis, ce qui ajoute encore un intérêt, outre le fait de jouer un méchant (ce qui est très rare en tant que ténor).
Dès qu’Andromaque se refuse, il décide alors d’épouser Hermione et de livrer le fils d’Hector : dès le premier acte. Il déclare que son plaisir est de la haïr. C’est presque la phrase d’un fou, phrase qui mêle ces deux sentiments si éloignés l’un de l’autre. Il s’applaudit de sa victoire (bien transitoire) sur ses sentiments : parlant d’amour comme de la guerre.
La conclusion “Dieu que de larmes vont couler” montre aussi le caractère de ce personnage, prêt à faire souffrir, à répandre un champ de ruines.
Si un dictateur devait chanter un air en contemplant du haut d’un vallon le désastre qu’il a provoqué tout en s’en voyant heureux, ce serait sans doute celui-ci : »
“Je m’applaudis de ma victoire ; Que de devoirs j’allais sacrifier !
Un seul regard m’eut tout fait oublier... Dès cet instant je jouis de ma gloire.
Elle m’attend à ses genoux ; Je la verrais aux miens d’un œil tranquille.
Je redeviens le fils d’Achille, Et je le sens à mon courroux !
Je m’applaudis de ma victoire ; Que de devoir j’allais sacrifier !
Un seul regard m’eut tout fait oublier... Dès à présent je jouis de ma gloire.
C’en est fait, oui, je l’abandonne ; Mon plaisir est de la haïr…”
Rendez-vous demain pour notre prochain épisode et la découverte du duo entre Pyrrhus et Andromaque !
Cette nouvelle production de l'Opéra de Saint-Étienne, réalisée par ses ateliers et mise en scène par Matthieu Cruciani vous attend ces 8, 10 et 12 mars 2023.
Retrouvez les autres airs de notre série :
1- Le rôle-titre
2- Les larmes d'une mère
3- Pyrrhus
4- Pyrrhus et Andromaque
5- Hermione
6- La mort d’Hermione
7- Oreste
8- La fin d’Oreste
9- Le chœur
10- L’Orchestre