The Fairy Queen à Tourcoing : la partition
La Direction musicale est confiée à Alexis Kossenko, chef de la phalange Les Ambassadeurs ~ La Grande Écurie (Les Ambassadeurs d’Alexis Kossenko ont fusionné avec La Grande Écurie et la Chambre du Roy de Jean-Claude Malgoire, figure historique de l’Atelier Lyrique de Tourcoing). La Direction musicale d’un tel projet demande un important travail de conception artistique, avec des choix essentiels qui reviennent en fait à construire l’ensemble instrumental comme un personnage (dialoguant avec les autres personnages). Ce travail se fait main dans la main avec le partenaire artistique d’Alexis Kossenko : Jean-Philippe Desrousseaux qui nous présentait son projet et ses personnages hier dans le premier épisode.
The Fairy Queen créé en 1692 est en effet un "semi-opéra" (genre particulièrement associé à Purcell qui a également signé King Arthur ou entre autres The Indian Queen) et que nous présente Alexis Kossenko : “Les passages musicaux sont un peu l'équivalent des intermèdes dans les comédies-ballets de Lully, qui complètent ou commentent l'action (ou sont parfois des digressions totales). En réalité, aucun air musical n'est supposé être chanté par tel ou tel personnage. Le choix d'intégrer les personnages chantant à la pièce s'est donc fait et a été déployé par le metteur en scène Jean-Philippe Desrousseaux.
La distribution se fait principalement en fonction des tessitures : ce qui est pour basses est donné à Alain Buet, ce qui est pour ténor à Benedict Hymas, pour haute-contre à Robert Getchell, les choix peuvent se faire entre les deux sopranos (mais Coline Dutilleul a un timbre plus grave), donc en fonction des climats, des tessitures (notamment quand elles chantent à deux). C’est aussi ce qui donne les caractères vocaux (autant de caractères vocaux et dramatiques que ces interprètes nous présenteront dans les prochains épisodes). Le fait qu’il n’y ait pas de rôle donné (ou alors à des allégories, des saisons par exemple) offre un défi et un enjeu à Jean-Philippe Desrousseaux avec les interprètes qui deviennent des acteurs chantants comme on disait à l’époque. Quant à l'orchestre, il est également un acteur important dans notre dispositif musical qui ne ressemble pas à 99% des fois où cette partition a été jouée depuis sa création.”
Purcellatrie et Bardolatrie : une production anglophile pour une musique francophile
“Chaque danse, et passage instrumental déploie un art de composer à quatre parties, issu de l’art des consorts (pour violes par exemple) avec une très intéressante conscience de chaque partie, qu'on retrouve chez très peu de compositeurs. Chez Purcell, même si vous enlevez la partie supérieure (de violon), le reste est intéressant en soi, ce qui est rarement le cas ailleurs. C’est d’ailleurs ce qui m’a conduit à ne pas faire comme d’habitude : on a coutume de jouer Purcell dans un effectif que je qualifierais d’italien (deux parties de violons équilibrées, une partie alto plus faiblement représentée, une basse continue avec un ou deux violoncelles, une contrebasse et un grand nombre d’instruments de continuo). La musique anglaise et l’art de l’opéra étant très calqués sur la musique française, j’ai reconstitué une ‘bande de violons' comme en France avec deux pôles et un grand équilibre intermédiaire avec les parties d’altos : 4 violons au-dessus, 3 violons II, 3 altos et 4 basses de violon (de très grands violoncelles, très sonores, et pas de contrebasses qui n’étaient pas encore adoptées en Angleterre). L'équilibre est très différent d’autant que cette bande de violons joue sans le support harmonique du clavecin et du théorbe. Nous aurons aussi une bande de hautbois, et le continuo sur scène sera indépendant (ne soutenant que les chanteurs, en contact sur le plateau). Ce sont des connaissances qui sont bien attestées d'un point de vue musicologique mais que les interprètes ne mettent pas en pratique (probablement par peur de ce son méconnu). Le son sera donc surprenant et très différent.”
“Le chœur est peu nombreux, enchaîne le metteur en scène Jean-Philippe Desrousseaux, et Alexis voulait que les solistes chantent aussi avec les chœurs. C’est une grande difficulté pour l’adaptation car tout le monde est tout le temps sur scène : il faut donc rendre plausible le fait qu’un personnage rejoigne le chœur pour commenter ce qu’il vient de vivre et de chanter. Nous avons bien entendu ménagé des exceptions (dans la scène du poète ivre, ‘Turn me turn me turn me round’, il joue à colin-maillard donc il ne peut pas rejoindre le chœur qui le fait tourner. L’idée est de garder tout le temps une lisibilité et de n’avoir aucune incohérence, sachant que le nonsense britannique n’est pas du tout incohérent !”
Nos 10 épisodes vous présentent ces interprètes et leurs personnages dans The Fairy Queen et Rendez-vous est donné au Théâtre Municipal Raymond Devos de Tourcoing pour assister à cette nouvelle production les 24, 25 et 27 février 2022
Pour naviguer parmi les Airs du Jour de cette série, cliquez sur les liens ci-dessous :
1. Shakespeare, Elizabeth II, Lady Di et les autres
2. La partition
3. Les Jardiniers
4. Obéron, professeur d’Oxford
5. Titania, étudiante à Oxford
6. Elizabeth II, reine d’Angleterre
7. Lady Di
8. Margaret Thatcher
9. Boris Johnson
10. La Bonne