Mise en abyme à l'opéra, épisode XV : Maîtres chanteurs
Après Tannhäuser, Richard Wagner compose un autre opéra autour d'une compétition de chant : Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg. Poursuivant la tradition des Minnesänger, les maîtres chanteurs sont les artisans-poètes qui s'organisent en sociétés (nommés "guildes") et concourent pour le devenir meilleur poète de la ville. Les membres de la guilde choisissent les contraintes métriques, syllabiques, rythmiques et mélodiques imposées aux participants de ce tournoi.
Dans cette oeuvre de Wagner, les deux adversaires sont le jeune prince de Franconie, Walther von Stolzing et le maître chanteur, Sixtus Beckmesser. Ce dernier, habituellement le "marqueur" (le juge) dans ce type de concours se retrouve cette fois dans la compétition dont le prix est la main de la fille de son confrère Veit Pogner - la jeune et belle Eva. Walther est préparé par Hans Sachs qui lui donne son poème, alors que Beckmesser vole le même texte de son collègue Sachs et compose une musique pour luth (jouée par la harpe). Cependant, Beckmesser fait une permutation des mots (voir la traduction au-dessous de la vidéo) et subit la dérision du public. Pour accentuer la moquerie, son instrument est souvent mal accordé.
Le personnage de Beckmesser est inspiré par le fameux critique musical de l'époque de Wagner, Edouard Hanslick (grand réprobateur de la musique wagnérienne) que le compositeur allemand méprisait fortement.
Traduction d'Alfred Ernst:
Chant de Walther von Stolzing: Permutation de Beckmesser:
"L'aube vermeille brillait dans les cieux "L'autre merveille braillait dans les cieux,
Et des senteurs montait des fleurs. Et des menteurs mordait les fleurs ;
Dans une ivresse de jeunesse Dans une ogresse de jeunesse,
Un frais jardin ravit mes yeux : Un frais gredin miséreux, radis des yeux.
Là sous un arbre merveilleux Selle sordide, gredin merveilleux !
Où l'or des fruits étincelle Loin du trésor de ses bruits d'or...
Je vis mon Rêve bienheureux, Portant son crime
L'amour que l'âme appelle, Miel sublime
Trésor promis jadis : Un arbre offrait aux vieux
Dans sa beauté l’Ève du paradis !" Ses doubles pieux !
"L'ombre du soir annonçait la nuit, "Charme du four, quel réceptacle me ravit !
Par le sentier du roc altier, C'est infâme, un porc malin :
Montait ma course vers la source, Pareille graisse nul ne cuit !
De qui la voix m'a séduit : Vieille d'un jour
Sous le feuillage d'un laurier, Que parent les poires d'un mâtin,
Criblé d'étoiles jusqu'au faîte, Son œil crayonne,
Je vis mon Rêve tout entier, Son chien me donne
L'Amante chère au poète, Les bruits du marbre sucré,
Du flot lustral baignant ma face, L'Injuste bruit doré,
Dans sa fierté la Muse du Parnasse !" De mie et d'amour !"
Richard Wagner - Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg
Festival de Salzbourg, 2013
Mise en scène : Stefan Herheim
Orchestre Philharmonique de Vienne, direction musicale : Daniele Gatti
Sixtus Beckmesser : Markus Werba
Hans Sachs : Michael Volle
Walther von Stolzing : Roberto Saccà
Eva : Anna Gabler
Veit Pogner : Georg Zeppenfeld
David : Peter Sonn