La Dame Blanche
« L’avenir, fantôme aux mains vides
Qui promet tout et qui n’a rien ! »
Comme l’écrit Victor Hugo dans son poème Sunt Lacrymae Rerum tiré des Voix intérieures. Sans vouloir se montrer trop critique, il faut convenir que ces vers conviennent parfaitement pour décrire l’impression laissée par la nouvelle production de la Dame blanche de François-Adrien Boieldieu à l’Opéra-Comique.
L’annonce faite il y a quelques mois du retour de cette œuvre emblématique de l’Opéra-Comique, vantée par Rossini, Weber ou encore Wagner, la première à atteindre les mille représentations, sonnait comme une promesse ! Mais les promesses peuvent être déçues…
La mise en scène de Pauline Bureau laisse avant tout perplexe. Dès l’ouverture, le spectateur comprend que ce qui aurait dû faire les forces de la production représentera aussi ses faiblesses, comme s’il était impossible de trouver un subtil équilibre entre diverses idées. Les décors laissent présager une lecture illustrative de l’œuvre ; l’utilisation de projections vidéos, dès l’ouverture, loin de compenser l’aspect purement physique des décors par un parfum de magie et de mystère, relève plus du guignolesque. La tonalité est donnée, et plus rien ne viendra la démentir pendant le reste des trois actes : l’ambiguïté fantastique laisse place à une lecture purement comique du livret, où la crédulité des uns et des autres sert de fondement à toute l’action. Comique malheureusement très « premier degré », sans grande inspiration, et qui prête au mieux à sourire…
D’un point de vue vocal, quelques réserves s’imposent. Philippe Talbot tout d’abord déçoit dans le rôle de Georges Brown. Sa voix claire et chantante, sa maitrise des aigus sont certes des atouts pour dépeindre le jeune homme naïf qui retourne sans le savoir dans son pays natal, encore ignorant de sa véritable identité. Mais l’absence de médium et de grave plus conséquents pèse sur la prestation : au-delà de la relative discrétion au sein des ensembles, le personnage est uniforme, peu aidé, il faut le reconnaitre, par la mise en scène à sens unique.
En comparaison la voix d’Elsa Benoit est plus en phase avec le caractère affirmé de la jeune Anna, bien décidée à sauver le château des Avenel des mains de Gaveston, et prête à toutes les audaces pour cela. Quant au Gaveston de Jérôme Boutillier, il faut avouer que, paradoxalement, il réussit à soulever une certaine sympathie : mais pourquoi donc tout le monde déteste cet ancien intendant dont le seul mérite est d’avoir réussi à s’enrichir ? Une voix dynamique convient mieux à un « riche capitaliste », pour reprendre une expression de l’acte II, qu’à un intrigant mauvais et malintentionné.
Chez les rôles secondaires, les voix s’avèrent plus convaincantes : Yann Beuron réussit à s’abstraire tant bien que mal de ridicule costume de highlander des montagnes pour camper avec un certain lyrisme le peureux fermier Dikson, alors que Sophie Marin-Degor, dans le rôle de sa femme Jenny, s’ingénie à témoigner plus d’assurance que son craintif mari. Enfin la vieille nourrice Marguerite est interprétée par Aude Extrémo : la particularité, pour ne pas dire l’étrangeté, de son timbre apporte une dimension supplémentaire à un spectacle bien trop premier degré.
Dans la fosse, Julien Leroy dirige avec dynamisme l’Orchestre National d’Île-de-France ; si l’énergie déployée permet de sous-tendre un drame ramené à son expression la plus simpliste, on ne peut que regretter un son par moment trop dur et sec, notamment dans l’ouverture.
Au final, cette Dame blanche, sans vraiment déplaire, s’avère une petite déception. Peut-être les attentes étaient-elles trop fortes ? Mais on ne peut pas tous compter sur une « dame blanche », à l’instar de celle du livret, qui, sans rien promettre, donne tout !