Hommage à La Caramba à l’Exposition Universelle
Invité par le Pavillon Espagne de l’exposition universelle de Dubaï, l’ensemble Forma Antiqva rend hommage à la célèbre danseuse et chanteuse de flamenco María Antonia Vallejo Fernández, surnommée « La Caramba », incarnée par la tout aussi délicieuse soprano María Hinojosa.
Parmi les nombreuses manifestations valorisant les différents patrimoines nationaux dans autant de pavillons proposées à l’exposition universelle accueillie à Dubaï (initialement prévue en 2020 et reportée en 2021), celui de l’Espagne, accueille l’un de ses talentueux ensembles : Forma Antiqva, dirigé par le claveciniste Aarón Zapico. La plupart des spectateurs qui prennent place devant le Millenium Amphitheatre de la zone Al Forsan sont des curieux (peu d’espagnols et peu d’habitués au concert patrimonial ou classique). L’occasion se présente donc à la fois comme un défi et une opportunité de faire redécouvrir une facette et une histoire de la culture espagnole, en l’occurrence le flamenco du XVIIIe siècle. La personnalité la plus fascinante de cette période est certainement la danseuse et chanteuse María Antonia Vallejo Fernández (1751-1787), surnommée « La Caramba », louée pour sa beauté et son pouvoir de séduction.
L’amphithéâtre étant en plein air et les activités de l’exposition restant incessantes durant le concert, les artistes sont sonorisés. L’extrait de la Sin Sinfonía de José Castel, qui ouvre le concert, fait entendre un certain déséquilibre dans cette sonorisation, faisant d’abord craindre pour la suite : le clavecin est beaucoup trop présent, couvrant les traits mélodiques et vifs des violons et du hautbois, tandis que le son du cor résonne désagréablement. Heureusement, l’ingénieur du son corrige rapidement ces défauts qui ne dérangeront plus l’auditeur. Celui-ci est ainsi relativement épargné des bruits extérieurs, des ventilateurs qui rafraîchissent la scène et des spectateurs non-initiés aux codes du concert classique (discussions bruyantes entre voisins ou même au téléphone). Dès cette première pièce instrumentale, les musiciens manifestent des intentions communes, n’hésitant pas à se regarder malgré la distance qui les sépare. Depuis son clavecin, Aarón Zapico se montre également très attentive et insuffle la vivacité qui caractérise l’ensemble.
Pour incarner la belle « Caramba », la soprano María Hinojosa déploie son aisance scénique immédiatement, la chanteuse regardant à peine ses partitions, qu’elle abandonne d’ailleurs régulièrement pour occuper l’espace scénique. Son timbre chatoyant, pleinement maîtrisé, fait également entendre des aigus très lumineux, magnifiant une interprétation au service du texte et du jeu. La chanteuse y captive constamment par un investissement aussi naturel qu’intense. Même sans comprendre l’espagnol, le jeu est pleinement explicite. L’accompagnement ne manque pas de malice et de plaisir de jouer, faisant entendre des phrasés contrastés et toujours très vivants. Si certains spectateurs ne sont pas forcément des amateurs de cette musique, ils se montrent enthousiastes et n’hésitent pas à le manifester en applaudissant chaleureusement à la moindre occasion.
L’auditeur peut ainsi entendre des œuvres de Pablo Esteve, comme Los mormuradores, un Fandango de Bernardo Álvarez Acedo ou encore d’autres œuvres de José Castel, toutes très dansantes et surtout de charme, voire de séduction tout à fait espagnole. On pourrait regretter que la sonorisation ne puisse rendre parfaitement les intentions de nuances et de couleur que recherche Aarón Zapico, patente mais que l’on saurait assurément davantage apprécier dans un lieu plus adéquat. Musiciens et chanteuse toutefois réussissent parfaitement à partager une conscience pertinente de phrasés dynamiques, même lorsque l’œuvre est dotée d’une sensibilité plus intense.
Le public se montre très heureux d’avoir découvert cet ensemble aux belles et indéniables qualités, que l’on aura sans doute plaisir à entendre de nouveau, et même, pour certains, d’avoir découvert cette musique, rythmée, charmante et pétillante de vie.