Le Contraste d'Eugène Anthiome : le nectar et l'Ambroisine
Le Contraste d'Eugène Anthiome : le nectar et l'Ambroisine
La jeune chanteuse Ambroisine Bré a déjà beaucoup fait parler d'elle sur ces pages (et elle continue sur cette voix) : Après sa révélation par l'Adami, son triomphe aux Mozart de l'opéra, son succès aux Voix Nouvelles 2018, ses Histoires d'Apaches à Montpellier et la venue d'enfants nombreux à l’Opéra de Reims pour la création du Miroir d’Alice... Outre Cannes, elle sera également à l'affiche de trois événements mozartiens très attendus : la Messe en ut à la Philharmonie de Paris, La Clémence de Titus par Christian Schiaretti à Tourcoing et l'envoûtante Flûte enchantée par Romeo Castellucci lors de son passage à Lille.
La jeune chanteuse a même déjà été chroniquée dans l'un de nos comptes-rendus discographiques (en Céphise, confidente d'Alceste de Lully enregistré par Les Talens Lyriques).
C'est ainsi une voix prometteuse qui prête son souffle nouveau à un compositeur resté trop longtemps silencieux... Eugène-Jean-Baptiste Anthiome (1836-1916, Lorient-Versailles) fait partie de ces artistes oubliés qui firent une carrière après le parcours officiel et reconnu : études au Conservatoire, couronnées par un (second) Prix de Rome. Signant une œuvre diverse (oratorio, opérette, opéra-comique voire même scène mythologique), ses qualités de pianiste en feront l'un des professeurs de Maurice Ravel. C'est donc logiquement avec cet instrument pour fil rouge que L'Ensemble Contraste remet à l'affiche Eugène Anthiome, par sa musique de chambre et avec Ambroisine Bré pour les mélodies.
Ils ouvrent d'ailleurs tous ensemble l'album par une mélodie en prélude, un hymne à la renaissance du Printemps "Chant d'avril", souhaitant le même destin pour Anthiome... Les instruments y installent déjà leur belle justesse, de notes et d'effets, précis pour effeuiller la pâquerette, doux comme la pelouse verdoyante sur laquelle le mezzo d'Ambroisine Bré invite à s'étendre.
Suit alors le Grand Trio pour violon, violoncelle et piano joué avec application jusque dans les rapides gammes ascendantes. Chaque instrument bien en place et bien à sa place (les rythmes respectés et les entrées bien distinctes, tout comme les thèmes, cadences et reprises). Même les occasions de briller sont menées et cernées avec métier. C'est en cela que ce Trio est "Grand" : il s'inscrit dans la tradition des Grandes formes classiques avec un langage romantique français : celui-là même magnifié par Camille Saint-Saëns (né moins d'un an avant Anthiome). Dès lors, L'Ensemble Contraste justifie son nom par son engagement intense, notamment des élans rythmiques respectant la pulsation.
La seconde partie du disque revient à la mélodie piano-voix (avec pour entracte une "Fantaisie romantique" très en verve).
La verve est aussi celle, sensuelle et bucolique, fleurissant dans les salons XIXe siècle. Le "Papillon bleu" volette vers "Mignonne puisque c'est l'automne", "Le chemin creux" mène à "Emina ma belle". Les roses s'y effeuillent comme les lèvres. Le registre mezzo d'Ambroisine Bré, bien arrondi dans les graves et sachant fuser aussi bien que voleter vers l'aigu en conservant son ancrage, sied merveilleusement à cet univers terrestre et céleste.
Dans le pays du Contraste, Eugène Anthiome fait déguster le nectar et l'Ambroisine...
Ambroisine Bré, mezzo-soprano
Arnaud Thorette, violon
Antoine Pierlot, violoncelle
Johan Farjot, piano