Netrebko&Eyvazov, à Palerme de tout leur cœur
Pour la première fois sur scène en Sicile, le couple Anna Netrebko et Yusif Eyvazov ne se sont pas épargnés, malgré les conditions acoustiques non idéales du théâtre en plein air du Verdura, ils se sont comportés comme des professionnels sérieux et ont voulu offrir un programme riche et articulé qui s'est terminé par trois bis. Et le public de Palerme a apprécié et a chaleureusement applaudi à l’excellente performance des deux artistes.
Le programme a alterné des duos, des airs et des pièces pour chœur et orchestre, cette dernière dirigée souvent un peu en ralentissant par le maître italo-polonais Michelangelo Massa qui collabore souvent avec le couple de chanteurs russe, ralentissements qui exaltent le long souffle de la Netrebko, ses legato et pianissimo. La soirée s’est ouvert avec le chœur "Fuoco di gioia" de l’Otello di Verdi, de la même oeuvre puis a suivi le beau duo “Gia nella notte densa” où le timbre particulier d’Eyvazov et son accent légèrement étranger ont bien aidé à l’interprétation d’Otello même si le personnage manque encore de maturité expressive et de nuances, surtout face à une Netrebko qui a toutes ses caractéristiques, et la magie finale de l’aria ne s’est pas produite. Mais les airs suivants ont été tout un crescendo de bravura.
La Netrebko a été superlative dans Adriana Lecouvreur de Cilea, enthousiasmant le public pour la technique et l’interprétation dans l’air "Del sultano Amuratte..." ; excellent aussi Eyvazov dans un air d’écoute rare “E' la solita storia del pastore” de l’Arlésienne, également par Francesco Cilea, que le ténor azéri a interprété avec le cœur et, lui aussi, bon technique, une voix bien appuyée et épais même dans les notes les plus élevées. En Tosca, on sait que la Netrekbo ne pas aimée par tout le monde, même si sa technique est superbe, et aussi à Palerme le public s’est divisé en l’écoutant dans "Vissi d’arte". Son mari a poursuivi avec "E lucevan le stelle" exécuté d’une manière un peu trop adoucie, avec des voyelles parfois un peu trop longues.
Après une parenthèse plus joyeuse avec le fameux “Libiamo ne’ lieti calici” de Traviata, dans lequel le couple fait aussi quelques pas de danse; et le Chant à la Lune de Rusalka de Dvorak qui est toujours un plaisir à écouter, même si maintenant la voix de la Netrebko semble un peu trop sombre et mûre pour interpréter la jeune nymphe; on est retourné au répertoire vériste avec l’Andrea Chénier de Umberto Giordano, opéra parfaite pour la voix d'aujourd’hui de Anna, mais où Yusif a aussi donné le meilleur: le ténor a conquis le public dans «Colpito qui m'avete…» où, à l’excellente diction italienne, s’est ajoutée l’expressivité de chaque mot chanté avec une grande intensité interprétative, et le public l'a gratifié avec de longs applaudissements; de la même opéra, fin de la soirée avec le duo intense "Vicino a te s’acqueta". Mais trois bis ont suivi: deux airs de Puccini, "Oh mio babbino caro" de Gianni Schicchi pour Anna, "Nessun dorma" de Turandot pour Yusif (qui aurait pu, peut-être, oser plus) et le beau duo, inattendu, "“Partirono le rondini...Non-ti scordar di me» de De Curtis très bien interprété par les deux.
Ainsi la partie consacrée à certaines des stars d'aujourd'hui de l'opéra, du programme "Sous une nouvelle lumière" pour le mois d'août du Teatro Massimo, s'est terminée en beauté. En septembre d’autres rendez-vous sont prévus dont un Don Giovanni en forme de concert avec, dans le rôle-titre, Alessio Arduini et sur le podium le maestro Omer Meir Wellber.