En Bref
Création de l'opéra
Un long labeur
L’idée de Béatrice et Bénédict a germé pendant 30 ans dans l’esprit de Berlioz. S'il s'agit de son dernier opéra, il a été imaginé avant même son premier opus lyrique, Benvenuto Cellini (1836–38). Dès 1833, Berlioz projette en effet de composer une sorte d'opera buffa inspiré de la comédie romantique de Shakespeare Beaucoup de bruit pour rien. Comme pour Verdi avec Falstaff, Berlioz fait ses adieux à la scène bien loin du drame pathétique, avec une comédie shakespearienne respirant la fraîcheur sentimentale.
Berlioz est un des rares musiciens habitué à écrire lui-même ses livrets. En 1852, il rédige un premier scénario pour un opéra-comique en trois actes. La composition musicale ne débute en revanche qu'en 1858 suite à une commande d'Édouard Bénazet, directeur du Festival de Bade sur un livret en un acte d'Édouard Plouvier. Le compositeur-écrivain abandonne finalement ce livret et rédige lui-même un texte très différent. Il éloigne l’intrigue de l’épisode dans lequel Don Juan accuse Héro d’adultère (un thème qui inspira l’Ariodante de Haendel) et se focalise sur la confrontation entre Béatrice et Bénédict.
Nul n’est prophète en son pays
Alors que Berlioz enrage des échecs cuisants qu’il accumule sur les scènes françaises, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, l’Angleterre et même la Russie lui réservent un accueil inédit pour un compositeur français. De fait, c’est de Baden-Baden et en particulier du directeur de son opéra et de son casino qu’émane la commande qui permet la composition puis la création de Béatrice et Bénédict le 9 août 1862 à l’occasion de l’inauguration du nouveau théâtre. Berlioz était, en effet, un habitué du festival d’été donné dans cette ville. Le formidable succès que remporte l’œuvre apporte une immense joie au compositeur, malade et davantage habitué aux déconvenues. Deux numéros de musique sont rajoutés dans la version de Weimar donnée en 1863 avec un trio entre Héro, Béatrice et Ursule ainsi qu’un Chœur lointain. Berlioz, fâché de l’incompréhension de la France, refuse que son opéra y soit créé et l’Hexagone devra attendre 1890 (soit 21 années après sa mort) pour la création de Béatrice et Bénédict à l’Opéra-Comique.
Clés d'écoute de l'opéra
Opéra Romantique
Béatrice et Bénédict est un opéra romantique, genre dont Berlioz est le principal représentant français. Le romantisme en art et en musique se caractérise par les contrastes, les passages rapides d’un esprit à l’autre (souvent marqués par de franches oppositions). Cet opéra passe ainsi du drame à la légèreté, dans son intrigue comme dans les accents de l’orchestre ou de la voix. Le romantisme est aussi le courant des contrastes de niveaux, allant dans cette œuvre du grand orchestre lyrique au petit effectif instrumental de chambre (comme dans l'air "Le Vin de Syracuse" de Somarone, le compositeur déchu). Dès l'ouverture, le tempo passe de l'allègre au lent avant de revenir à l'allegro dans la tradition des ouvertures à l’Italienne. Les romantiques ont aussi pour caractéristique de réhabiliter Shakespeare et le Moyen-Âge, se différenciant en cela de la Renaissance qui réhabilitait l’Antiquité.
Opéra structuré
Cet opus enchaîne allègrement toutes les structures de l’opéra. Le tout est encadré par trois chœurs, au début, au milieu et à la fin de l’œuvre. C’est tout d’abord l’ensemble des siciliens fêtant la victoire dans “Le Maure est en fuite !”. Au milieu du premier acte vient le chœur pour se moquer de l’Air du compositeur Leonato “Mourez, tendre époux”. L’opéra s’achève sur l’ensemble appelant au mariage “Viens ! Viens, de l’hyménée”. Une mélodie Sicilienne apparaît aussi à deux reprises. Elle est une adaptation d’une mélodie de jeunesse de Berlioz intitulée Le Dépit de la bergère.
Les airs peuvent aussi bien être comiques (la Chanson à boire de Leonato “Le vin de Syracuse”) qu’amoureux (l’Air de Héro “Je vais le voir” et celui de Béatrice “Dieu ! Que viens-je d’entendre ?” qui reprend des motifs de l'ouverture) ou mélancoliques : l’émotion déborde lorsque Bénédict croit aux confidences lui annonçant l’amour que Béatrice lui porte dans l’air “Ah ! Je vais aimer” (un air si beau qu’il est souvent inscrit aux récitals des ténors). Il en est de même pour les ensembles : le duo chafouin de Béatrice et Bénédict “Comment le dédain”, qui enchaîne sur le Trio “Me Marier ?”, répond à celui de la fin de l’Acte 1 (le Nocturne “Nuit paisible”) dans lequel Ursule et Héro associent leur passion pour la nature, une mélancolie rêveuse et une légèreté de ton dans un ensemble parfaitement romantique. La fin de l’opéra varie encore avec une Marche nuptiale “Dieu qui guidas nos bras” ainsi qu’un Duettino - Scherzo (littéralement “plaisanterie”) “Ici l’on voit Bénédict” et “L’amour est un flambeau”.