En Bref
Création de l'opéra
Après La Pskovitaine (1873) et Nuit de mai (1880), La Fille de neige (1882) est le troisième opéra sur les 15 composés par Rimski-Korsakov. L'opus conclut une étape lyrique de sa carrière : Rimski-Korsakov composera ensuite des œuvres orchestrales sur les dix années suivantes, avant de revenir au théâtre avec l'opéra Mlada (1892).
Rimski-Korsakov prend lui-même la plume pour présenter et défendre son œuvre. Le compositeur est prolifique en ouvrages, rédigeant un manuel d'harmonie et un traité d'orchestration mais également une autobiographie esthétique : le Journal de ma vie musicale, avec le chapitre 1880-1881 presque entièrement dédié à détailler La Fille de neige. Il consacre même un autre ouvrage à l’étude de Snegourotchka, Conte printanier. Le compositeur érige ainsi l'œuvre en étape majeure de son esthétique.
Accueil chaleureux
L’accueil du public est à l'image des personnages dans cette histoire, d'abord froid avant de se réchauffer.
Cet opéra est devenu un chef-d'œuvre des plus populaires parmi la musique russe dans son pays. La France lui réserve également un très bon accueil, notamment en mai 1908 Salle Favart (Opéra Comique de Paris), dans une traduction en français. La musique et le rapport poétique au texte sont appréciés chez ce compositeur déjà reconnu pour ses poèmes symphoniques. La France apprécie également son ballet des oiseaux.
Clés d'écoute de l'opéra
Mythe populaire païen
Le titre russe de cet opéra est Snegourotchka (littéralement “fille née de la neige”). L’histoire est basée sur ce personnage populaire. En russe, on ne fabrique pas des “bonhommes de neige” mais des “jeunes filles de neige”. Snegourotchka est une jeune fille de neige mythique, la fille de Ded Moroz (le Bonhomme Hiver, sorte de Père Noël qui apporte des cadeaux au réveillon du Jour de l’An). La Fille de neige est menacée par Yarilo, Dieu slave du soleil, de la végétation, de la fertilité, du printemps et responsable de la germination.
Rimski-Korsakov a composé l’opéra rapidement, inspiré par la nature dans une Datcha. Les personnages sont donc bucoliques et féériques, associés avec une musique écrite dans le style populaire et folklorique.
La musique illustre le changement des saisons, les entrées des personnages par des leitmotivs (un motif musical correspond à un personnage, une action, une émotion et revient à chacune de ses apparitions), ainsi que des effets et couleurs orchestrales. L’orchestre s’éveille aussi comme le printemps ou se glace comme l’hiver. Il mime la démarche grelottante et impressionnante du Bonhomme Hiver. Les cuivres et percussions accompagnent les registres graves tandis que de légers vents portent les voix aiguës. La forêt est un personnage, qui répond de ses adieux à Snegourotchka.
La partition est riche de figuralismes : des effets et gestes musicaux qui imitent des objets, des éléments ou des émotions. La première et plus évidente imitation est celle des animaux et notamment des oiseaux qui chantent aux flûtes, mais aussi dans un "Chœur d'oiseaux" dès la première scène.
Dans cet esprit populaire et suivant la grande tradition du chant russe, Rimski-Korsakov multiplie les chœurs : Chœur du Peuple, des aveugles joueurs de cithare, des oiseaux, du carnaval, des villageois, des sujets du Tsar, des jeunes demoiselles et jeunes hommes.