Argument
Acte I
Dans le désert, Moses fait face à un buisson ardent par l’intermédiaire duquel Dieu s’exprime, lui intimant l’ordre de devenir son prophète. Moses prend peur : son âge, l’incrédulité de son peuple et ses difficultés à s’exprimer lui semblent être des freins à l’accomplissement d’une telle mission. Mais Dieu rejette ces arguments : ayant vu les atrocités commises par Pharaon, Moses n’a pas d’autre choix que de sauver son peuple. Les miracles qu’il accomplira au nom de Dieu le convaincront, et le charisme de son frère compensera ses propres faiblesses de communiquant (« Einziger, ewiger, allgegenwärtiger, unsichtbarer und unvorstellbarer Gott »).
En effet, peu après, Moses rencontre Aron, son frère, dans le désert. Rapidement, une divergence relative à leur conception du dieu unique les oppose : s’ils s’accordent sur la grâce que représente ce dieu invincible pour leur peuple, Aron ne souscrit pas à l’intransigeance théologique de son frère, pour qui Dieu est invisible, infini, omniprésent et donc irreprésentable. Selon le prophète, Dieu étant tout-puissant, il ne peut se laisser infléchir par les prières ou les actions humaines comme le pense Aron (« Du Sohn meiner Väter, schickt dich mir der grosse Gott ? »).
De son côté, le peuple d’Israël s’inquiète de l’émergence d’un nouveau dieu. Certains, ayant vu Aron voler, radieux, à la recherche de son frère après s’être prosterné devant une flamme ardente, imaginent ce dieu bon et puissant. Mais d’autres craignent de devoir lui offrir des sacrifices de sang. Par ailleurs, ayant subi la vengeance de Pharaon suite à la fuite de Moses, certains redoutent de voir celui-ci revenir. Tous se demandent si ce nouveau dieu est plus puissant que leurs anciennes idoles et s’il pourra les libérer de leur joug (« Ich hab ihn gesehn »).
Moses et Aron se présentent face au peuple. Celui-ci est prêt à tous les sacrifices pour le nouveau dieu. Répondant à leurs questions, ils indiquent que celui-ci est invisible, ne demande aucun sacrifice et ne peut être découvert que par les hommes justes. Personne ne parvenant à le voir, le peuple décontenancé rejette ce dieu qui ne peut se rendre visible, et qui ne punit ni ne récompense. Alors que Moses doute de la capacité d’Aron à transmettre son idée, ce dernier lui arrache son bâton, symbole de la loi, et le jette à terre. Le bâton se transforme en serpent, symbole de l’intelligence. Aron s’en saisit et lui redonne son aspect d’origine. Le peuple rend hommage au pouvoir d’Aron, et donc à celui de Moses et de son dieu.
Alors qu’un prêtre continue de douter de la puissance de Dieu, Aron rend la main de Moses lépreuse, symbolisant ainsi la faiblesse du peuple d’Israël. Mais lorsque Moses porte sa main à son cœur plein de force, celle-ci guérit aussitôt : leur courage pourra vaincre Pharaon. Le peuple reconnait que le dieu invisible a su se montrer par des prodiges visibles : il est à présent prêt à suivre les deux frères jusqu'au désert. Devant le prêtre qui doute de la capacité de Dieu à nourrir son peuple dans le désert, Aron puise de l’eau du Nil, qui nourrit le pays, et le transforme en sang car c’est le sang du peuple israélien qui nourrit l’Egypte. Une fois le peuple libre, il ne restera à Pharaon que l’eau du Nil dans laquelle il périra. Le sang se change alors de nouveau en eau. Le peuple est convaincu (« Bringt ihr Erhörung »).
Interlude
Moses a quitté son peuple pour se rendre dans la montagne. Celui-ci désespère de le revoir un jour (« Wo ist Moses ? »).
Acte II
Les soixante-dix anciens s’inquiètent auprès d’Aron de ne plus être écoutés par le peuple. L’absence de Moses depuis quarante jours résonne pour eux comme une fuite cachant un subterfuge. Ils ne croient plus dans le dieu de Moses (« Vierzig Tage ! »). Devant la colère du peuple qui menace de tuer les prêtres du dieu de Moses, Aron, ne sachant pas non plus où est ce dernier, ni s’il est mort ou vif, accepte qu’ils adorent de nouveau leurs idoles tangibles, symbolisés par de grandes quantités d’or auxquelles il donnera lui-même forme. Le peuple jubile (« Wo ist Moses ? »).
Aron a donné une forme de veau à l’idole tangible du peuple d’Israël, dans lequel ce dernier s’adore lui-même. Alors que les sacrifices et les offrandes se multiplient, une malade guérit en touchant le veau d’or. Les chefs de tributs se prosternent devant cette idole (« Dieses Bild bezeugt »). Le peuple bascule dans une ambiance orgiaque : le vin coule à flots, célébrant les sens, par lesquels l’âme peut être perçue. Quatre vierges sont sacrifiées, éveillant dans la foule une folie destructrice et érotique (« Selig ist das Volk, und gross zeigt ein Wunder »).
Une fois le peuple apaisé, Moses reparaît, chargé des tables de la Loi, et dissipe le veau d’or d’une simple parole. Le peuple, consterné par le retour du dieu terne et invisible qui chasse les plaisirs, s’enfuit effrayé (« Moses steigt vom Berg herab »). S’engage alors un débat entre Moses et Aron, le premier reprochant au second d’avoir trahi l’Idée irreprésentable par des images. Mais Aron fait remarquer à son frère que le prodige qu’il vient d’accomplir en faisant disparaître le veau, est lui-même une image. Il lui conseille alors de se placer à la portée de son peuple, en leur donnant des interdictions et des commandements tangibles. Moses s’y refuse afin de ne pas trahir la Loi inscrite sur ses tables. Alors qu’Aron lui fait remarquer qu’elles sont elles-mêmes des images, Moses les détruit. Aron poursuit alors la mission qui est la sienne en guidant le peuple qu’il aime vers la terre promise, grâce à une colonne de feu et de nuées. A son frère qui lui réplique qu’il s’agit encore d’une image, Aron rétorque que ce n’est qu’un signe de Dieu, tout comme l’était le buisson ardent. Moses comprend qu’il s’est lui-même fait une image de l’Idée qu’il défend, image nécessairement fausse, comme toute image : le Verbe ne peut transmettre son Idée (« Aron, was hast du getan ? ») !
Acte III (non mis en musique par Schönberg)
Aron est maintenant prisonnier. Moses lui reproche de mener, par ses images, son peuple à un plaisir matériel aussi aliénant que ne l’était l’esclavage de Pharaon, tandis que lui, par l’Idée, conduit le peuple à la vie éternelle. Seul le renoncement, y compris à la Terre promise, car le Tout-puissant n’est lié par aucun serment, permettra l’union avec Dieu. Moses ordonne qu’Aron soit libéré, mais ce dernier tombe aussitôt, mort (« Aron, nun ist es genug ! »).