Argument
Acte I
Alviano Salvago, un richissime génois, reproche à ses amis chevaliers d’organiser des orgies sur l’île idéale qu’il a lui-même créée, l’Elysée. Ces derniers, en effet, ont pris l’habitude d’enlever de jeunes citadines pour les emmener sur l’île paradisiaque et profiter d’elles. Alviano, de son côté, se sait si laid qu’il n’ose paraître sur l’île de peur d’en faner la beauté : il se trouve indigne d’aimer une femme, même moyennant de grandes richesses. Alors qu’un notaire est annoncé, Alviano annonce à ses amis son intention de faire don de l’île à la ville, sans retour. Ses camarades cherchent en vain à l’en dissuader, effrayés de perdre leur lieu secret de débauche. Tandis qu’Alviano quitte les lieux, le Comte Vitelozzo Tamare rejoint l’assemblée, encore abasourdi par la beauté d’une femme croisée dans la ville, dont il ne connait pas même le nom, mais dont il est déjà follement amoureux.
Le Podesta (magistrat) et sa fille, Carlotta, paraissent alors pour remercier Alviano suite à l’annonce de sa donation. Il exprime également son inquiétude suite au rapt de nombreuses jeunes filles au cours des semaines passées. Enfin, il espère que le Duc Antonio Adorno, qui dispose du droit de faire annuler la donation, ne s’y opposera pas. De son côté, Tamare reconnait sa belle inconnue en Carlotta et tente de la séduire. Mais cette dernière le repousse avec facétie. Frustré, Tamare refuse d’entendre ses camarades qui le pressent de parler au Duc Adorno afin de faire échouer le projet de donation de l’Elysée.
Ayant séduit Martuccia, la gouvernante d’Alviano, Pietro, l’homme de main des chevaliers, lui narre une histoire absurde afin de la convaincre d’abriter en secret une jeune femme qu’il a enlevée pour satisfaire les jeux sadiques ayant cours sur l’île de l’Elysée. Pendant ce temps, Alviano accompagne Carlotta au banquet : celle-ci lui explique aimer peindre les âmes et souhaiter le prendre pour modèle. Alviano s’emporte, persuadé, vue sa laideur, qu’elle se moque. Mais elle parvient à le convaincre de la sincérité de sa demande : il l’accepte.
Acte II
Dans sa demeure, le Podesta peste contre le Duc Adorno qui a refusé de lui donner une réponse claire quant à sa volonté de s’opposer ou non à la donation d’Alviano. Ses hommes lui font remarquer qu’Alviano a gagné une soudaine popularité à l’annonce de la donation, ce dont le Podesta se réjouit.
De son côté, Tamare rend visite au Duc Adorno. Il lui raconte avoir demandé Carlotta en mariage mais avoir essuyé son refus. Adorno le réprimande, Carlotta, simple bourgeoise, étant indigne d’une noblesse de si haut rang, mais lui promet malgré tout son intercession. S’il ne lui obtient pas sa main, Tamare doit en revanche s’engager à l’oublier. Tamare jure de n’oublier Carlotta qu’une fois qu’il l’aura possédée, de gré ou de force. Ardono le réprouve, lui rappelant la loi. Tamare lui révèle alors que les Chevaliers sont responsables des récents enlèvements et l’avertit du scandale que causerait la révélation de ces agissements dans le cas où l’île d’Alviano serait cédée au peuple. Malgré sa colère, Adorno accepte d’empêcher la donation, mais menace Tamare de représailles s’il devait user de violence envers Carlotta.
Dans son atelier, Carlotta entreprend de peindre Alviano, tout en dissertant sur des tableaux de main qui l’ont émue : l’un d’eux, une main blafarde de laquelle s’échappait une lueur pourpre, représentait la douleur de l’artiste, malade du cœur, qui l’étreignait à chaque pensée d’amour. Cette douleur lui interdisait tout sentiment amoureux. Elle se plaint de ne pas parvenir à capter le regard de son modèle : celui-ci lui révèle que ses craintes de n’être que l’objet d’un jeu ou d’une moquerie le terrorisent. Carlotta le rassure et prononce les mots qu’il n’aurait jamais pensé entendre : elle l’aime. Carlotta se précipite alors pour peindre le regard exalté de son modèle. Elle achève son tableau, exténuée. Alviano la soutient et s’étend à ses côtés. Soudain, une servante annonce l’arrivée de Duc Adorno.
Acte III
Sur l’île de l’Elysée, Alviano présente son domaine à des représentants du peuple de Gêne. Alviano confie au Podesta son bonheur de se marier bientôt avec Carlotta. Ce dernier avoue son trouble devant la beauté divine du lieu. Pendant ce temps, Carlotta discute avec le Comte Adorno et lui explique que son amour pour Alviano s’est épuisé depuis qu’elle a achevé le tableau. Afin de lui enlever tout scrupule, Adorno révèle alors à la jeune femme les mauvais sentiments qui ont conduits son fiancé à créer l’Elysée. Mais Carlotta refuse de le croire.
Pendant ce temps, sur l’île règle la confusion, entre assauts libertins des uns et crainte des autres. Tamare retrouve finalement Carlotta qui se laisse aller entre ses bras. Tandis qu’Alviano voit monter l’angoisse de ne pas retrouver sa fiancée, le peuple, émerveillé par la beauté du lieu, l’acclame. Soudain, un Capitaine envoyé par Adorno paraît et rabroue la foule, accusant Alviano d’être à l’origine des rapts. Il l’accuse même d’avoir ensorcelé le peuple et décrète l’interdiction de résider sur l’île de l’Elysée, qui sera détruite par le feu. Alviano, ne pouvant détacher son esprit du chant de Carlotta et Tamare, qu’il entend au loin, ne cherche pas à se défendre. Afin d’apporter la preuve de ses dires, le Capitaine présente la jeune femme que Martuccia, la gouvernante d’Alviano, avait accepté de cacher chez Alviano, mais qui est parvenue à s’enfuir. Tandis que les suivantes de Carlotta annoncent que cette dernière a disparu, Alviano accuse Tamare de l’avoir enlevée et décide de conduire le peuple à la grotte cachant les vices des chevaliers.
Dans la grotte, Carlotta dort. Tamare a annoncé à Alviano que la jeune femme s’est donnée à lui. Face à ses provocations, Alviano se jette sur lui et le tue d’un coup de poignard. Carlotta se réveille alors. Rejetant Alviano, elle clame son amour pour Tamare, puis meurt à son tour. Perdant la raison, Alviano s’enfuit.