- Metteur en scène
Biographie
Patrice Chéreau
Patrice Chéreau est né le 2 novembre 1944 dans le Maine-et-Loire, mais il grandit sur la rive gauche de Paris à proximité du pont des Arts. Sa mère dessinatrice et son père peintre lui font découvrir le Louvre dès son jeune âge et il déclarera : « ma formation était picturale et mon début lié à la peinture ». Patrice Chéreau va au théâtre dès ses 12 ans et il prend ensuite part au groupe théâtral du lycée Louis-Le-Grand. Débutant comme acteur en figurant, il s’intéresse en même temps à la mise en scène, à la scénographie, aux décors et costumes. En 1964, Patrice Chéreau réalise sa première mise en scène : L’Intervention de Victor Hugo et, trois ans plus tard, Les Soldats de Jakob Lenz, qu’il définit comme un « faux opéra » (une pièce de théâtre mais avec un orchestre en fosse).
Sa passion pour l’opéra naît alors grâce à un enregistrement de La Traviata et en 1969, il accepte avec enthousiasme la proposition du Festival des deux mondes de Spolète, en Italie de monter son premier opéra, L’Italienne à Alger (1813) de Gioacchino Rossini. Pour Chéreau, l’opéra peut et doit être « encore plus théâtral que le théâtre ».
Sa production suivante, Les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach au Palais Garnier, lui est commandée en 1974 par Rolf Liebermann (Directeur de la Réunion des théâtres lyriques nationaux : Opéra de Paris et Opéra Comique). Dans ses deux premiers travaux, le metteur en scène cherche à renforcer la dimension théâtrale des livrets, quitte à changer le texte des opéras (ce qui lui vaut de nombreux reproches). Il ajoute ainsi un prologue joué et interprète lui-même un imprésario au début de L’Italienne à Alger. Il opère également des coupes et réordonne les actes des Contes d’Hoffmann, dont il remplace les récitatifs par des dialogues parlés, certains inventés (notamment pour effacer le contexte Second Empire d’Offenbach, afin de revenir au texte d’E.T.A. Hoffmann). Toute sa carrière restera marquée par sa fidélité avec ses collaborateurs : Richard Peduzzi (scénographie et décors), André Diot (lumières), André Serré (son), Jacques Schmidt, puis Caroline de Vivaise et Moidele Bickel (costumes).
La carrière de Patrice Chéreau est marquée par un événement historique : “La Tétralogie du centenaire”. En 1974, Wolfgang Wagner (petit-fils de Richard Wagner) propose à Pierre Boulez de diriger la Tétralogie de L’Anneau du Nibelung programmée en 1976 pour les 100 ans du Festival de Bayreuth. Côté mise en scène, le projet est décliné par Ingmar Bergman, Peter Brook et Peter Stein, avant que Pierre Boulez ne propose le nom de Patrice Chéreau. Celui-ci accepte avec enthousiasme, trouvant avec ce projet des opéras aussi pensés comme du théâtre. Chéreau vise à construire une « allégorie moderne ». La mythologie et la légende sont incarnées dans des enjeux historiques et politiques : l’action est transportée dans la Révolution industrielle, les géants, nymphes et même les Dieux ont des caractères humains, profondément humains, trop humains. Les représentations soulèvent d’abord un immense scandale. La mise en scène est dénoncée comme une “démystification marxiste”. Toutefois, c’est un renversement complet de situation qui se produit quatre ans plus tard : la production remporte un immense succès, couronné par une heure d’applaudissements. Cette mise en scène entre dans l’histoire de l’opéra.
Un an avant cette revanche, en 1979, Patrice Chéreau et Pierre Boulez reprennent leur collaboration au Palais Garnier pour Lulu d'Alban Berg (basé sur la pièce de Frank Wedekind, que Chéreau avait mis en scène au théâtre en 1972). Là encore, c’est un événement historique, il s’agit en effet de la première version intégrale de cet opéra, dont l'orchestration avait été laissée inachevée par la mort d’Alban Berg. Le compositeur Friedrich Cerha achève la partition et offre à Patrice Chéreau le drame complet de cette tragique femme fatale, qu’il transpose dans les années 1930.
En 1984, Chéreau monte à Milan, Nanterre et Bruxelles son premier Mozart, Lucio Silla (1772). Il cherche la liberté parmi les contraintes de l’écriture classique, renforcée par l’opéra seria qu’il associe au rituel du théâtre nô japonais.
13 ans après Lulu, Daniel Barenboim et Patrice Chéreau concrétisent au Châtelet leur volonté de travailler ensemble, avec l’autre opéra d’Alban Berg : Wozzeck (1925). Le décor impressionne, rappelant à la fois les influences italiennes de la Renaissance (Giotto), l’expressionnisme allemand (Paul Klee) et le constructivisme russe.
Durant les années 1980, Patrice Chéreau est impliqué dans la construction de l’Opéra Bastille, sa mise en scène de Don Giovanni (qu’il nomme une “Lulu au masculin”) étant prévue pour la saison inaugurale de la nouvelle salle (en 1989/1990). La production ne sera finalement prête qu’en 1994, pour le Festival de Salzbourg. Comme pour leur premier Mozart, Patrice Chéreau et Richard Peduzzi construisent un décor mural mobile. Il est démoli à la fin par la statue immense du Commandeur et il s’écroule sur Don Juan.
Chéreau attend alors dix ans avant son opéra suivant, à nouveau un Mozart : Così fan tutte (1790), à Garnier en 2005. Loin du registre de l’opéra comique et léger d’un marivaudage, le metteur en scène offre une vision sombre et blessée dans un plateau nu (en écho à sa première production : L’Italienne à Alger à Spoletto).
S’il avait fallu attendre dix pour cette production, Chéreau reprend alors une inspiration fulgurante, créant deux mises en scène la même année 2007. De la maison des morts est donné en mai 2007 au Theater an der Wien, pour le Festival des Wiener Festwochen, avant de voyager à Amsterdam, puis au Festival d’Aix-en-Provence. C’est d’ailleurs dans ce Festival estival que Patrice Chéreau débute les répétitions de sa production suivante : Tristan et Isolde, donné le 7 décembre à La Scala de Milan. De la maison des morts marque les retrouvailles de Patrice Chéreau et Pierre Boulez après un quart de siècle. La mise en scène carcérale est assez universelle pour dépeindre toutes les situations d’enfermement. Tristan et Isolde est pour sa part une continuation logique en complément d’un travail sur la Tétralogie, mais Chéreau l’a plusieurs fois refusé, y compris à Bayreuth.
Elektra de Strauss au Festival d’Aix-en-Provence en 2013 est la dernière production lyrique de Patrice Chéreau, l’occasion de concrétiser la volonté ancienne de travailler sur l’Antique, la “simplicité essentielle” du théâtre grec avec en outre une grande héroïne tragique résonnant avec Lulu et Isolde. Patrice Chéreau décède le 7 octobre 2013, trois mois après la première de son Elektra, devenue elle aussi une mise en scène de référence pour cette œuvre.
Interview perchée
Lyricographie synthétique
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Nom du compositeur Leoš JanáčekNom de l'Opéra De la maison des morts
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Nom du compositeur Richard WagnerNom de l'Opéra Tristan et Isolde
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Nom du compositeur Richard StraussNom de l'Opéra Elektra
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Nom du compositeur Wolfgang Amadeus MozartNom de l'Opéra Cosi fan tutte