Jeunesse lyrique, Modène et modèle en Avignon
"I solisti dell' Accademia di Modena" suivent les pas des grands noms qui ont enseigné dans leur ville : Kabaivanska, Pavarotti, Freni. D'augustes voix qui leur inspirent un programme Puccini (Madama Butterfly, Manon Lescaut et La Bohème) précédé de romances pour voix et piano de Verdi (datant des débuts de sa production chambriste).
Le ténor florentin Carlo Eugenio Raffaelli ouvre le spectacle avec trois premières mélodies. Son interprétation est d'abord très rigide, d'autant qu'il reste collé à la partition tout en effectuant ce léger balancement latéral typique du stress, mais s'il doit en être excusé, ce n'est pas tant en raison de son jeune âge que pour sa qualité vocale. Celle-ci lui rend même confiance en Pinkerton et, surtout, pour "Che gelida manina", la voix se montrant puissante et mélodieuse, stable et bien timbrée, avec des médiums confortables et des aigus qui ont du corps (quoiqu'un peu trop couverts), le tout avec soutien et puissance.
La jeune soprano roumaine Aida Pascu présente une voix ronde, un legato très délicat et des aigus riches en harmoniques. Plus assurée, elle demeure cependant un peu droite et concentrée sur la partition mais elle aussi se libère, avec une Cio-Cio-San très souple et délicate, alliant des aigus envoûtants et sonores.
La soprano Fiammetta Tofoni clôt la première partie du spectacle en interprétant trois mélodies, puis Mimi. D'emblée détendue, expressive et assurée, elle déploie sa voix chaude, avec un vibrato marqué et un phrasé très sophistiqué. Son investissement vocal se fait émouvant et théâtral (s’inspirant selon ses propres mots de la plus grande interprète de ce rôle, la soprano italienne Mirella Freni).
La pianiste Francesca Pivetta offre aux chanteurs un accompagnement raffiné, consciencieux et fiable. Elle les suit avec attention et réagit très rapidement à tout imprévu, en particulier lors du bis. Elle brille également et illumine le plateau en solo gracile avec l’intermezzo de Manon Lescaut. Son jeu fluide est nuancé de mouvements aériens et d'intentions très délicates.
Le public, ayant bien reçu le spectacle, applaudit longuement les artistes à la fin de leur programme et exige un bis qui n'était visiblement pas prévu. Les artistes décident donc d’improviser sur scène le "Libiamo" (Traviata). Heureusement, le ténor connaît bien son couplet mais la suite est un enchaînement de faux départs et confusion (sur qui doit entrer quand et chanter quoi). La pianiste reste stoïque et relance même la machine après quelques secondes de blanc et des applaudissements d'encouragement du public.
La fête se finit en beauté, surmontant les imperfections, à l'image de cette soirée et jeunesse musicale prometteuse.