L’Opéra de Bordeaux ouvre en grande pompe sa saison de nouveau mandat
Il s’agit de la première rentrée du Directeur général de l’Opéra National de Bordeaux, Emmanuel Hondré (en ce mois de septembre qui aurait dû marquer sa prise de fonction, entre-temps avancé à janvier). Dans son allocution d’avant-concert, il exprime sa volonté de créer un « opéra citoyen », ouvert à de nouveaux publics et ancré dans la ville et sa région. Ce concert « Ouverture », retransmis sur France Musique, est ainsi également diffusé en direct sur un écran géant Quai de la Monnaie, et dans dix autres lieux du centre-ville ainsi qu’une trentaine de lieux en régions Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes (il a notamment pu être suivi par les patients du CHU de Bordeaux).
Le programme met en avant l’éclectisme et la diversité de registres dont est capable l’Orchestre de l’Opéra : des pièces romantiques (Verdi, Bizet, Smetana), mais aussi plus modernes (Ravel, Gershwin), jusqu’à la création contemporaine avec un extrait des Solos pour orchestre de Dusapin. Le concert donne à écouter des œuvres célébrissimes autant que des découvertes musicales, telles la légende symphonique Kikimora d’Anatoli Liadov, morceau endiablé que l’orchestre exécute avec une précision technique flamboyante. La direction d’Ariane Matiakh, tantôt posée, tantôt emportée et théâtrale, infuse une passion communicative en même temps que naturelle. Au-delà de la technicité, se perçoit une conception organique de la musique, vivante, vibrante, qui se déploie et progresse (d’une manière particulièrement notable dans son exécution hypnotique du Boléro de Ravel).
Pour ce qui est du chant, le concert met en valeur la soprano française Marie-Laure Garnier et le baryton ukrainien Andrei Kymach. La première entonne la Habanera de Carmen tout en précision. Aidée par une longueur de souffle solide, elle alterne avec soin les phrasés liés et détachés pour conférer de la vie à son personnage. Son interprétation du Summertime de Gershwin paraît encore plus maîtrisée, languissante et vibrante d’émotion, sur les fredonnements a bocca chiusa (bouche fermée) du chœur. Elle s’achève par un aigu vibré et puissant.
Andrei Kymach démontre toute l’ampleur de sa voix de baryton dramatique. Son chant semble à la fois très intense intérieurement et projeté avec un volume sonore fulgurant. Ses aigus bien enracinés dans les harmoniques de poitrine rugissent par-dessus l’orchestre. Cette technique réclame une pression sous-glottique constante, et il ne fait aucun doute que le chanteur est rompu à cet exercice.
Placé sur les gradins au-dessus de l’orchestre, le Chœur de l’Opéra National de Bordeaux, préparé par son chef Salvatore Caputo, montre également un beau volume sonore, dans une symbiose savante des timbres et des voix. Les choristes ont leur moment de gloire avec des extraits du Requiem de Duruflé, chantés avec une aisance et un naturel qui font presque oublier la complexité de cette musique.
Saluant particulièrement la direction fervente et expressive d’Ariane Matiakh, le public ressort très enthousiaste de ce premier concert, qui inaugure une saison prometteuse pour l’Opéra National de Bordeaux (à suivre comme les autres et toujours sur Ôlyrix).