Stéphane Degout et la Belle Maguelone au Festival Radio France de Montpellier
Il s'agit d'un retour au pays pour la Belle Maguelone, puisque c’est non loin de Montpellier, sur l’île dite de la Maguelone, que l’héroïne de la légende médiévale se serait réfugiée, se croyant abandonnée par son amant Pierre, Comte de Provence. Une cathédrale s’y dresse aujourd’hui.
Le cycle de quinze Lieder de Johannes Brahms est tiré d’un roman de Johann Ludwig Tieck, lui-même inspiré d’un manuscrit anonyme du XVe siècle, qui reprend probablement des sources plus anciennes. C’est dire le chemin qu’a fait cette belle Maguelone, princesse de Naples : presque autant que son amant pour la retrouver. C’est à partir du manuscrit d’origine qu’Élisabeth Germser a établi le récit en français moderne, lu par le comédien Roger Germser.
L’œuvre pourrait très bien être chantée par un seul interprète. Ici, Stéphane Degout et Marielou Jacquard alternent leurs chants, incarnant respectivement Pierre et Maguelone, jusqu’à leurs retrouvailles sur le morceau final, qui devient de ce fait un duo. C’est la mezzo-soprano qui débute, d’une voix au volume modeste mais conduite sur un legato soyeux, en prenant appui sur les consonnes de la langue allemande sans toutefois en forcer le trait. Le chant est fluide, chargé d’émotion, avec des passages alanguis en voix de poitrine sur les notes graves. L’aigu est incisif et scintille. La partition lui offre par ailleurs l’occasion d’incarner deux personnages, Maguelone et Sulima, fille du Sultan d’Égypte, ce dont elle s’acquitte avec brio.
Stéphane Degout prête sa voix au Comte Pierre de Provence, personnage à la fois sentimental et intrépide. Il est notable que son interprétation varie les registres, entre le chant intime, introspectif du Lied, avec des sentiments contenus à mi-voix, et des parties plus héroïques, presque « opératiques », dont les phrases culminent sur des fortissimi tonitruants. Il mobilise ce soir sa voix de baryton-basse, aux graves profonds et veloutés, mais aussi ses aigus à mi-voix, amortis dans la cavité des sinus, qui rayonnent, tapissés d’harmoniques de tête. Il donne l’impression d’un interprète en pleine possession de ses moyens vocaux et très attentif au texte.
À l’arrière-plan, le piano d’Alain Planès plante le décor de cette histoire d’amour chevaleresque. Il dépeint la colère des flots, imite les accents d’un luth ou le galop d’un cheval. Avec un jeu emporté, il met en couleur les sentiments, donnant vie au personnages et soulignant leurs caractères. Le pianiste fait preuve d’une écoute minutieuse, accompagnant ses interprètes dans la moindre nuance. Le concert est donné avec un rudiment de scénographie : deux tables de part et d’autre de la scène où le conteur et les chanteurs vont s’asseoir entre leurs interventions. L’éclairage, conçu par Roger Germser, décline presque imperceptiblement à mesure que le malheur s’abat sur les deux amants. Il revient sur les retrouvailles finales.
Pour remercier le public de ses applaudissements, Stéphane Degout et Marielou Jacquard offrent en bis un autre morceau de Johannes Brahms, pour deux voix : La Nonne et le Chevalier, agréablement exécuté, qui se termine sur un grave feutré de la mezzo-soprano.