La Missa Solemnis aux Chorégies d’Orange
Au cœur du théâtre antique d'Orange, l’impression
première à l’arrivée a quelque chose de monumental. Devant la
scène, l’Orchestre Nexus se place en contrebas des quatre solistes
et surtout de plus de deux-cent choristes issus de trois chœurs
Parisiens (Chœur des Grandes Écoles, Chœur de Grenelle, Chœur Sorbonne Université) et de deux chœurs Suisses (Laudate Deum, Le
Motet). John Nelson assume la direction musicale de cet ensemble
impressionnant avec des gestes légers, souvent d’une seule main.
Très impliqué sur la direction des chœurs, il va jusqu’à
fredonner avec eux certains airs. Les ensembles proposent une
prestation d’une grande qualité vocale, tant au niveau de la
justesse qu’à celui du placement rythmique, permettant la
précision des attaques et la clarté de la diction, pourtant
difficile pour un si grand nombre de choristes.
La
soirée marque les débuts aux Chorégies d’Orange d’Eleanor Lyons. La soprano
Australienne illumine le concert de son timbre cristallin, qu’elle
déploie avec force sur toute la tessiture grâce à sa technique
irréprochable. Sa large palette dynamique lui permet de couvrir sans
difficulté les chœurs et de jouer tout en finesse et musicalité
avec ses complices de la soirée.
Marie-Nicole Lemieux impressionne par l’étendue des possibilités qu’elle a su donner à son instrument. Des graves puissants aux aiguës plus ou moins sombrées, la contralto québécoise possède une grande variété de timbres et de caractères, qu’elle ponctue d’un vibrato tantôt ample, tantôt très resserré, avec une grande musicalité. Son jeu scénique engagé (par exemple dans le sanctus) confère à ses interventions une dimension dramatique que les amateurs d’opéra apprécieront.
La partie de ténor est assurée par Cyrille Dubois, à la voix fine mais clairement perceptible, qui confère par sa luminosité un relief aux différentes combinaisons vocales (du duo au quatuor) qu'il forme avec ses partenaires. Son savoir-faire de chambriste se manifeste notamment dans ses échanges avec les voix féminines, auxquelles il se mêle avec bonheur.
Enfin, la basse Nicolas Courjal soutient l'édifice vocal avec une autorité bienveillante. Il atteint le surgrave de sa tessiture en conservant un timbre rond et plein, malgré les exigences du lieu. Son talent lyrique se révèle pleinement dans son air soliste de l'agnus dei, où il surgit de la masse chorale en majesté.
Les applaudissements nourris du public saluent cette performance, qui a su mettre les talents individuels au profit de l'expression collective, dans le respect de l'esprit de la Missa Solemnis.