Lawrence Brownlee et Levy Sekgapane, récital belcanto au Capitole de Toulouse
Le récital « Belcanto ténors ! » initialement prévu en avril a été reporté d'un mois à Toulouse mais reste le même dans la lettre et dans l'esprit (et que celui donné à L'instant Lyrique Salle Gaveau) : en première partie de concert, des mélodies belcantistes de Rossini, Bellini, Donizetti et Verdi. En seconde partie, un florilège d’arias virtuoses, pour le plus grand plaisir du public, et de la distribution du Barbier de Séville présente dans la salle.
Le jeune Levy Sekgapane ouvre le récital avec une mélodie de Rossini. Son timbre rayonne dans le médium aigu, serti d’un vibrato sémillant. Si sa voix grésille parfois avec un léger voile fumé, émouvant toutefois, il sait s’en défaire pour cueillir des aigus lumineux. Interprète d’une grande sensibilité, il maîtrise les nuances et varie les tons, tantôt mélancolique, tantôt joueur sur un air de chanson populaire de Verdi. Il devient passionné et héroïque au moment d’aborder la cavatine aux redoutables aigus tirée du Marino Faliero de Donizetti mais malgré cette aisance vocale, il fait montre d'une certaine introversion, décollant difficilement les yeux de sa partition. À quelque chose malheur est bon : un imprévu le privant momentanément de ses lunettes en seconde partie de concert, il abandonne son pupitre pour venir chanter à l’avant-scène, d'autant plus à son aise et complice avec le public.
Lawrence Brownlee semble pour sa part sur la réserve ce soir, affichant dès son entrée un visage grave, austère (avec quelques gestes d'inconfort). Pourtant, le timbre de son chant est constant du grave à l’aigu. La longueur de son phrasé et son vibrato chaleureux sont mis au service de son éloquence vocale. Il interprète les mélodies belcantistes avec l'expressivité d'une prosodie naturelle, comme d’autres interpréteraient du Lied. Il est servi en cela par son accompagnateur, qui confère à Bellini et Donizetti des accents schubertiens, mélancoliques et contrastés. Peu enclin à la fantaisie ce soir, au moins derrière son sérieux affiché, le chanteur démontre nonobstant sa maîtrise du répertoire en ponctuant ses arias d’aigus suspendus, émis avec une facilité naturelle.
Le public apprécie la complicité entre les deux artistes sur les pièces en duo de Rossini, notamment "Ah, vieni, nel tuo sangue" d’Otello. Ils s'y livrent presque à un numéro comique, chacun cherchant à voler la vedette à l’autre, et de s’inventer un personnage : Sekgapane le jeune ténor fougueux, Brownlee l’aîné plus calme et mesuré (s'appuyant là encore sur leur entente avec Giulio Zappa, concertiste expérimenté, qui sait avec soin reproduire au piano l’ampleur d’un accompagnement orchestral).
Après les morceaux prévus, les deux interprètes se lancent dans une série de bis : Levy Sekgapane à mi-voix pour "Bring him home" (Les Misérables), puis Lawrence Brownlee enchaîne avec le spiritual All Night, All Day avant que tous deux ne mêlent à nouveau leurs voix pour chanter "Gia la luna è in mezzo al mare" de Rossini, et de reprendre l'emblématique duo-duel d'Otello, salué par une standing-ovation.
Tout le Capitole debout pour acclamer Lawrence Brownlee, Levy Sekgapane et Giulio Zappa après deux heures de feux d'artifice et d'émotions fortes ! Quels artistes prodigieux ! Et tellement touchants en même temps... pic.twitter.com/SPV4q4D4z4
— Christophe Ghristi (@ChrisGhris) 9 mai 2022