Premier récital de Karine Deshayes au Capitole de Toulouse
Le fait mérite d’être noté : il s’agit du premier récital de la célèbre mezzo-soprano française au Théâtre du Capitole, scène qu’elle connaît pourtant pour y avoir incarné Charlotte dans le Werther de Massenet ou encore Adalgisa dans Norma de Bellini. C’est un autre répertoire qu’elle livre ce soir, plus intime, dans lequel elle brille par son aisance technique, la richesse de son timbre et par le soin porté tant à la vocalité qu’à la prosodie (d’autant que le le public peut suivre cette poésie des textes grâce aux livrets distribués dans la salle).
À première vue, un programme très égal, mais auquel les deux interprètes savent apporter contraste et fantaisie. Dès le premier morceau, Karine Deshayes installe sa présence par un regard ferme et franc. Après l’interprétation tout en subtilité du Soir de Gounod, elle surprend par un Boléro (de Jules Barbier) endiablé, entonné avec une joie féroce qui rappelle Carmen. Puis, dévoilant son talent de conteuse, d’un timbre ample et coloré, elle transporte son auditoire dans l’Orient fantasmé du cycle Shéhérazade de Ravel. Plus loin, le tempo alangui sur les accords mélancoliques du Clair de lune de Fauré posés par Philippe Cassard, prépare le parcours à travers des mélodies amoureuses de Duparc, montrant toute l’ampleur de sa palette vocale expressive : graves caressants, notes tenues à peine vibrées, aigus lyriques avec appui de la voix de poitrine.
Accompagnateur confirmé, Philippe Cassard livre un jeu éloquent, virtuose, nuancé. Sa complicité avec la chanteuse est notable dans les pauses expressives dont elle ponctue le texte. Elle lui laisse la scène, le temps d’offrir la Pavane pour une infante défunte de Ravel entièrement maîtrisée. Après les premiers saluts, le pianiste lui laisse à son tour la parole pour rendre hommage à ses confères Radu Lupu et Nicholas Angelich, disparus il y a peu.
Après des applaudissements enthousiastes, la salle reçoit en bis un second Boléro, celui de Delibes, terminé par un aigu triomphal. Le public s’en va, ravi, saluant la qualité du concert et l’entente entre les deux artistes.