Douce et Barbe-Bleue par la Maîtrise d’Avignon
À quelques jours du 8 mars (Journée des droits des femmes), cette reprise de l’opus composé en 2002 par la plus célèbre compositrice contemporaine d’opéra pour enfants (Isabelle Aboulker) aborde de nouveau la tragédie des féminicides : la jeune “Douce” étant ici tuée par Barbe-Bleue.
D’une voix claire pour annoncer et donner le ton de chaque épisode, le récit est rigoureusement déclamé par Claude Goyon, assis sur un fauteuil de velours rouge accompagné d’un imposant pupitre, aux côtés des musiciens sur le bord de scène. La cheffe de chœur de la Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon, Florence Goyon-Pogemberg porte ici la triple casquette de metteuse en scène, cheffe d’orchestre et pianiste. Le décor minimaliste mais efficient est déplacé par les choristes eux-mêmes, renforçant encore leur participation fraîche et active. Ils passent ainsi d’une scène de bal enjouée à l’épisode macabre où Douce découvre les anciennes épouses de Barbe-Bleue égorgées. Dans une grande homogénéité vocale, les plus jeunes sont aiguillés avec bienveillance par les plus grands (dans cette phalange de 7 à 20 ans), le tout formant un ensemble solide et rehaussé par les costumes XVIIIème siècle.
Le petit ensemble instrumental (Véronika Soboljevski au violoncelle, Sylvie Rogier à la flûte traversière, Thomas Lestrelin aux percussions, William Sayd à la trompette et Pascal Tramier à la clarinette) accompagne avec un même dynamisme cet entrain des chanteurs, jeunes maîtrisiens et solistes. Le monstrueux Barbe-Bleue revient à la voix grave de Saeid Alkhouri (artiste du Chœur de l’Opéra Grand Avignon). Son jeu de méchant captivant s’appuie sur ses intentions claires, tandis que sa voix puise dans des graves ténébreux et généreux, le tout avec une diction nette et soutenue. Issue de la Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon, la soprano Fantine Baudelot incarne Douce avec un jeu volontairement émouvant et modeste. Confiante, elle s’imprègne de son personnage dans une évolution dramatique la menant jusqu’à son tragique destin. Sa voix prometteuse sait s’appuyer sur le soutien des autres chanteurs, pour faire progressivement entendre un timbre harmonieux et souple. Ancienne maîtrisienne de l’Opéra Grand Avignon, Chiara Davis endosse le rôle de sa sœur Anne, d’une voix (et d’une gestuelle) tout aussi florissante et encourageante, avec fluidité et naturel. Sa matière étant plus chaude et vibrante dans les médiums et dans les graves, les aigus paraissent un peu plus restreints. Enfin, la mezzo-soprano Clélia Moreau incarne la mère des deux jeunes filles avec assurance scénique et vocale. Ses interventions assez courtes n’empêchent pas de cerner son jeu authentique et captivant. Sa voix ronde et musclée déploie ses lignes mélodieuses notamment à la fin de l’œuvre.
Après cette fin inattendue et désespérée, les interprètes sont chaleureusement salués par un public de tout âge et enthousiaste de découvrir un spectacle ainsi porté par de jeunes artistes.