Un Requiem pour Noël, Cristian Măcelaru dirige Saint-Saëns
Le Requiem de Saint-Saëns fait partie des ces œuvres qui resurgissent à intervalles réguliers sans s’imposer au répertoire. Pourtant c’est un Saint-Saëns inspiré qui se découvre ici, à la fois imaginatif dans la gestion des timbres de l’orchestre ou des voix et d’une spiritualité authentique. Cristian Măcelaru déclarait en interview à France Musique “avoir toujours adoré la musique de Saint-Saëns”, et cela s’entend. Le chef s’engage entièrement dans l'œuvre et avec lui les musiciens de l’Orchestre National de France dans une lecture claire, précise et émouvante.
Il peut également compter sur le Chœur de Radio France, préparé par Martina Batič, qui apparaît dès sa première intervention en grande forme. L’éventail des nuances impressionne, l’homogénéité des pupitres également malgré la distance entre les musiciens imposée par les conditions sanitaires. La diction est exemplaire comme dans le début du Dies irae, murmuré et frémissant. Si quelques voix de sopranos ressortent par moments de l’ensemble, la puissance des basses 2 (comme à la fin de l’Hostias) et l’engagement des chanteurs vient défendre cette partition.
Saint-Saëns ne donne pas une place prépondérante aux solistes, il en fait des instruments supplémentaires de l’orchestre : leurs interventions se font principalement en quatuor, où les quatre voix se fondent et se répondent, en dialogue également avec le chœur. Julien Behr est celui qui a le plus à chanter avec de belles phrases lyriques, dans le Dies irae et le Rex tremendae. La voix, sans avoir une projection particulièrement ample, est toujours audible car bien timbrée et conduite avec une grande musicalité. Le son très accroché, résonne avec aisance et s’ouvre dans l’aigu. Le ténor, expressif, parvient en outre à donner de la vie aux mots de ses brèves interventions, assumant sans difficultés apparentes des phrases parfois tortueuses.
La soprano Véronique Gens mêle avec fluidité sa voix au quatuor de solistes. La chanteuse paraît toutefois un peu gênée ce soir et son timbre rond et lumineux ne ressort pas toujours de l’ensemble si ce n’est sur quelques forte. La voix de mezzo d’Aliénor Feix se joint agréablement à celles des autres solistes, laissant deviner un instrument ample et profond même si le timbre semble moins concentré et mordant que celui de ses voisins. Nicolas Testé enfin apporte sa voix de basse sombre et sonore à ses trop rares interventions, soutenant avec puissance l’ensemble des solistes.
L’orgue expressif d’Olivier Latry fait naturellement le lien entre le Requiem et la Symphonie. Saint-Saëns emploie l’instrument moins pour sa virtuosité que comme un timbre supplémentaire de l’orchestre et surtout comme un personnage du premier mouvement qui vient interrompre l’angoisse des premières minutes. Cristian Măcelaru dirige avec un plaisir manifeste cette musique, il en ressort un discours très lisible et puissant, quoiqu’un peu moins inspiré par l’accalmie de la fin du premier mouvement. La précision de l’orchestre soutient la puissance des attaques des cordes, la vélocité du thème saccadé du deuxième mouvement pris à un tempo haletant et les cuivres parfaitement justes et brillants couronnent la fin étourdissante de l’œuvre.
L’enthousiasme du public est récompensé par un bis, l’Adagio de la Symphonie n°2. Une belle manière de célébrer la musique du compositeur disparu il y a 100 ans exactement.