L‘Enfant et les Sortilèges par l’Opéra Studio du Rhin attendrit Colmar
Les jeunes artistes de l’Opéra Studio de l’Opéra National du Rhin sont régulièrement invités à présenter leurs talents lors de récitals ou en participant aux productions de l’Opéra, mais ils ont aussi leurs spectacles, comme pour cette tournée en Opéra Nomade de L’Enfant et les Sortilèges à travers l’Alsace (Comédie de Colmar, Théâtre de Hautepierre à Strasbourg, Dôme de Mutzig, Théâtre Municipal de Sainte-Marie-aux-Mines et Centre Socio Culturel PAX de Mulhouse mais aussi ACB Scène Nationale de Bar-le-Duc dans la Meuse).
La metteuse en scène Emilie Capliez invite le public, bien jeune pour la plus grande part, à découvrir l’enchanteresse œuvre de Ravel et Colette de façon un peu nouvelle, un peu plus réaliste même, en imaginant l’enfant non pas dans sa chambre mais dans les coulisses d’un théâtre où sa Mère tient le rôle principal. D’ailleurs, si le mélomane a souvent l’habitude d’une figure autoritaire mise en second plan, celle-ci est ici mise en avant, portant d’ailleurs quelques traits (coiffure, robe et bijoux) de Colette : une femme « libre et indépendante, une artiste » qui allie maternité tendre et carrière exigeante. Fauteuil, Bergère, Tasse chinoise ou Théière anglaise sont les comédiens du théâtre, martyrisés par cet Enfant méchant qui s’ennuie fort alors que sa Mère est de l’autre côté du décor. Fatigués, ils finissent tous par lui jouer un tour (ou bien c’est l’imagination même de cet Enfant qui lui joue des tours), et il se retrouve dans un jardin féérique avant de retrouver les bras réconfortants de sa Mère. Les décors d’Alban Ho Van, qui signe également les costumes avec Marjolaine Mansot, plongent avec évidence dans ce monde des coulisses, s’ouvrant mystérieusement pour faire place au jardin. Les lumières de Bruno Marsol avivent les scènes en jouant parfois avec les couleurs.
Brenda Poupard chante l‘Enfant d’une voix claire et onctueuse, manquant un peu de volume, surtout lors de son joli air qui suit celui de la Princesse. La voix, investie par le jeu d'actrice, sculpte une brillance touchante, directe et sans déployer ses résonances. La Mère ainsi que la Tasse chinoise et la Libellule sont incarnées par Liying Yang. Si le français est à parfaire, malgré des efforts patents, la rondeur de son timbre et ses graves chaleureux renforcent la tendresse de sa présence.
Le Feu, ou plutôt l’éblouissante comédienne des années folles dans son costume avec majestueuse coiffe à plumes, la Pastourelle, le Rossignol et la Chouette sont chantés par Floriane Derthe avec un timbre limpide comme son texte et des vocalises dessinées, aussi rayonnantes que les lumières qui l’éclairent justement via un ballet de miroirs. Elsa Roux Chamoux est également très convaincue notamment en Écureuil qui bénéficie ainsi d’une projection droite et fraîche. Ses autres personnages, la Bergère, le Pâtre et la Chatte, s'appuient tout autant sur la clarté de sa diction.
La Princesse est personnifiée avec tout le charme nécessaire par Lauranne Oliva, interprétant son air d’un timbre clair et scintillant avec légèreté, dans une délicate simplicité, que sa Chauve-souris ne perd aucunement.
La Théière, l’Arithmétique –ou plutôt le metteur en scène un peu fou–, la Rainette et le Pâtre sont chantés par Damian Arnold, leur offrant d’abord ses talents de comédien, souvent comique. Sa Théière fait entendre un timbre assez noble mais son Pâtre manque malheureusement un peu de souffle pour soutenir ses aigus et le texte de son Arithmétique semble trop rapide pour en saisir tous les mots.
Parfois gêné par son masque, qui étouffe rarement sa voix puissante et chaude mais rend néanmoins souvent plus difficile la compréhension de ses paroles, Damien Gastl défend avec présence les rôles de l’Horloge comtoise et du Chat. Enfin, Oleg Volkov incarne avec sûreté et profondeur le Fauteuil et l’Arbre, qui pourraient encore gagner un peu en compréhension.
Le compositeur et pianiste Didier Puntos ressort pour l’occasion son arrangement de l’œuvre pour piano à quatre mains, flûte et violoncelle, qu’il avait créé en 1989 avec l'Atelier de l’Opéra de Lyon. Le travail permet même à l’auditeur initié de se laisser porter par cette adaptation respectueuse des couleurs ravéliennes. Le petit ensemble est d’ailleurs fort applaudi aux côtés de toute l’équipe de l’Opéra Studio, fin prête pour attendrir nombre de jeunes alsaciens.