Vers la Liberté avec Barbara Hendricks aux Invalides
La Saison musicale des Invalides annonce un concert d'exception : peu fréquent en effet que la Cathédrale Saint-Louis des Invalides résonne de gospel et de blues, ce n’est néanmoins pas la première fois que ce prestigieux écrin accueille la soprano Barbara Hendricks (qui y chantait notamment avec Barenboim à la direction en 1978).
Engagée depuis 1987 pour la défense des droits humains et particulièrement des réfugiés, la soprano américano-suédoise continue ce chemin avec ce concert The Road to Freedom (Le chemin vers la Liberté), programme de son album paru en 2018, un nouveau projet engagé autour de chants qui ont participé à la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis et rayonné à travers le monde.
En introduction des chansons, Barbara Hendricks lit des citations de Martin Luther King dans un français impeccable, comme pour le poème Home de Warsan Shire qui défend les enfants émigrés. Chaque chant est ainsi porteur d'un message de solidarité, de liberté, combattant l'oppression. Les souffrances et espoirs du gospel (Take my hand, precious Lord de Jim Reeves) inspirées des souffrances bibliques, comme le Kaddish mis en musique par Maurice Ravel entonné ici, les chants a cappella ou jazz décrivant des lynchages (Another man done gone de Johnny Cash, Strange Fruit de Billie Holiday), les poignants Summertime de George Gershwin et I feel like a motherless child tracent un sillon vocal et musical : l'histoire des engagements explicites et poignants, jusqu'à l'hymne Amazing Grace (écrit par l’esclavagiste repenti John Newton).
Dès leur entrée chacun leur tour, dans les lumières imaginées et conçues par le guitariste Ulf Englund et pour improviser sur Feelin’ Bad Blues de Ry Cooder, les trois musiciens (Mathias Algotsson au piano et orgue Hammond, Max Schultz et Ulf Englund à la guitare) plongent immédiatement l’auditeur dans cet univers thématique et musical blues. Barbara Hendricks apparaît alors, déjà chaleureusement accueillie par les spectateurs. Le timbre fait entendre la maturité de sa voix, toujours maîtrisée et dont la projection naturelle est soutenue par un vibrato incessamment généreux. Les graves sont savoureux et bien ancrés, les médiums sûrs et sensibles, les aigus impérieux ou filés selon l’émotion qu’elle veut transmettre. Son interprétation est sincère, son message de fraternité authentique, se déployant vers une grande puissance émotionnelle.
Tout le long de la soirée, la chanteuse fait preuve de complicité avec ses musiciens, qui ont d’ailleurs de nombreux moments en soliste pour partager quelques traits improvisés, très éloquents sans jamais être bavards. Les instruments et la voix sont sonorisés mais l’équilibre est soigné, le volume sonore restant raisonnable et le son remplissant sans envahir pour autant la cathédrale. Tous ensemble, ils émeuvent le public mais savent également partager des temps chaleureux sur des rythmes balançant (swinguant) tel I wish I knew how it would feel to be free de Nina Simone.
C’est d’un même élan, spontané et immédiat, que le public se lève pour ovationner Barbara Hendricks et son blues band, qui offre en bis, après une dernière citation de Simone Adolphine Weil sur le besoin universel de fraternité et d’humanité, l’intense appel à la paix Oh Freedom, We shall overcome.