Marguerite et Faust au Festival Jeux de Vagues à Dinard
Les trois journées de ce Festival présentent un aperçu de cet héritage Faustéen : tant musical, littéraire que cinématographique (avec un ciné-concert et la projection du film de Murnau datant de 1926, illustré au piano par Jean-Baptiste Doulcet). Trois concerts plongent tour à tour l’auditeur dans les tourments des personnages principaux : Méphisto, Marguerite et Faust. Les conférences proposées en avant-concert permettent même d’apprendre que Paul Valéry (grand admirateur de Goethe) décida d’écrire un Faust en 1940, alors qu’il était en exil à Dinard.
La mezzo-soprano Fiona McGown incarne ainsi le personnage ajouté par Goethe au mythe originel : Marguerite. Elle guide l’auditoire à travers un parcours d’œuvres choisies avec minutie pour former un portrait touchant de la jeune héroïne tantôt naïve, séduite, passionnément aimée mais finalement abandonnée à son triste sort. Pas de grand air des bijoux (avec tout de même une petite incursion dans l’opéra de Gounod non pas via les airs de Marguerite mais ceux de Siebel, l’adolescent amoureux) mais un cheminement essentiellement à travers le Lied allemand et des compositeurs emblématiques comme Franz Schubert, Robert Schumann, Richard Wagner, Hugo Wolf mais aussi d’autres un peu moins connus tels que Carl Loewe et Ludwig Spohr. Les poèmes mis en musique dans ce concert dédié à Marguerite, mettent soit en scène ce personnage directement, soit ses sentiments et désirs (mélancolie et abandon, chagrin et langueur jusqu'à la folie) puisés dans le Faust de Goethe mais aussi Wilhelm Meister.
Déjà présente cet été à Dinard dans un concert de ballades anglaises avec les musiciens de Saint-Julien, Fiona McGown montre une autre langue et facette de la mélodie poétique et musicale, avec son chant au timbre chaleureux. Le discours expressif déploie une fluidité naturelle. Elle apporte à chaque page sa couleur propre par une diction nette et compréhensible (même si certaines attaques de consonnes propres à la langue allemande pourraient être encore plus affirmées), un phrasé jamais surligné et un souci constant de souplesse et d’intelligence du legato. L’approche sensible et subtile de ce répertoire et de cette culture germanique composent ainsi la Stimmung, cet état d’âme si particulier au romantisme dans les différentes facettes du même personnage. D’autant que de mêmes textes et épisodes sont ici présentés dans différentes versions : souriante et candide avec Mignon de Beethoven, beaucoup plus résignée dans la version Schumann. Les deux versions de Nur wer die Sehnsucht kennt (Seul celui qui connaît la nostalgie sait ce que je souffre) sont également bien différentes : celle de Schubert, empreinte de mélancolie, contraste avec celle d’Hugo Wolf, à l’écriture plus dissonante, incluant des passages proches du récit et interprétée avec davantage d’exaltation. La voix sait aussi bien s’assombrir pour une déclamation allant crescendo illustrant un récit poignant, que s'illuminer d’une clarté déchirante sans en trahir l’intimité.

Au gré de ces différentes pièces, la voix se love dans l’écrin du jeu de Marie-Josèphe Jude, la pianiste s’affirmant avec justesse comme un autre élément indispensable à représenter la progression dramatique : le passé innocent de Marguerite, son exaltation présente, son avenir désespéré. Destin pressenti dans l’interprétation de la Sonate Appassionata de Beethoven proposée par la pianiste pour débuter ce concert. Enfin, Méphisto n’étant jamais loin, le concert se conclut avec la suite arrangée pour trio (violon, clarinette, piano) de l'Histoire du Soldat d’Igor Stravinsky, interprétée avec fougue par Sarah Jegou-Sageman au violon, Théo Führer à la clarinette et Marie-Josèphe Jude au piano.
Le public applaudit avec enthousiasme la prestation des artistes.
