La Maîtrise de Notre-Dame ouvre sa saison à Saint-Eustache avec le romantisme allemand
Depuis l'incendie de la Cathédrale Notre-Dame de Paris en avril 2019, sinistre vécu à travers le monde entier, La Maîtrise Notre-Dame de Paris traverse une période tumultueuse. Le brasier infernal n'a pas seulement emporté le toit et la flèche de la Cathédrale, mais aussi la demeure de la Maîtrise. Les conséquences ont également entraîné le licenciement économique du chef Sylvain Dieudonné (qui a depuis inauguré son propre Ensemble, en l'honneur de "Pérotin le Grand" dont nous avons rendu compte du concert inaugural). La pandémie s'est aussi ajoutée comme autant de sel sur les plaies, entraînant l'annulation d'une majorité de concerts en 2020 et en 2021.
Henri Chalet, chef de chœur principal et Directeur de La Maîtrise Notre-Dame de Paris, rappelle dans le programme l'importance de pouvoir se réunir entre amis, mélomanes et/ou musiciens/chanteurs, pour participer tous ensemble à cette alliance fraternelle qu'offre la musique. Après tant de supplices et un tel chemin de croix, l’heure des grands rassemblements (musicaux) est enfin revenue, notamment dans ce haut lieu religieux et musical qu’est l’église Saint-Eustache (où furent inhumés entre autres Jean-Philippe Rameau et la mère de Mozart, Anna Maria Pertl).
Le programme choisi pour cette ouverture de saison 2021/2022 est consacré à la musique romantique allemande. Les compositeurs à l’affiche, notamment Mendelssohn, Brahms et Bruckner, ont déjà été gravés au disque par la Maîtrise, attestant ainsi de leur importance dans le répertoire du chœur, mais aussi de la musique sacrée européenne. Deux chorales (d’enfants et d’adultes) avec leurs chefs respectifs ouvrent ce concert avec leurs forces réunies, chantant l'Abendlied (Chant du soir) de Rheinberger derrière le public, avant de rejoindre la scène installée en bas du grand orgue. Ce choix n’est pas sans évoquer une procession religieuse au début d’une messe, mais se justifie par la projection sonore qui fait valoir le potentiel acoustique de l’église. Le son est rond et bien équilibré, les aigus sont doux et angéliques.
Le Chœur d’enfants, sous la direction d’Émilie Fleury, interprète trois chants de Mendelssohn en latin, avec une prononciation soignée et une intonation stable. Les voix tendres et voûtées s’alignent joliment dans l'ensemble, malgré quelques inégalités dans l’intensité et le volume : le grand potentiel attend son plein épanouissement. Les parties solistes en duos, trios et quatuors sont particulièrement admirées, notamment à l'égard du complexe réseau mélodique et contrapuntique qu'impose la partition.
Henri Chalet, par ses gestes ronds et élégants, dirige le chœur d’adultes avec beaucoup de finesse et de perspicacité musicale. La spatialité sonore est réfléchie dans sa direction, la constellation des choristes étant modifiée en fonction de l'œuvre interprétée. Cet ensemble vocal, où les chanteurs exercent la double vocation de choristes et de solistes, démarre la soirée solidement mais la toile sonore est fragilisée par la ligne de basse qui se trouve quelque peu discordante. La symétrie harmonique est toutefois retrouvée par la suite, toutes les parties étant équilibrées et nettes, avec un timbre doux et résonnant des ténors. Certains airs de Mendelssohn, dont le caractère dramatique rappelle même les créations chorales wagnériennes (comme La Cène des apôtres), demandent une énergie et un engagement vocal auxquels les chanteurs ne manquent pas de répondre, mais sans suffisamment d'étoffe. Ils finissent sur un ton chaleureux et optimiste, quoiqu'imprégné de l'esprit belligérant.
Deux solistes du Chœur entonnent respectivement les deux airs de Mendelssohn. La mezzo-soprano Marion Harache s'attaque au Geistliches Lied (Chant sacré) avec un phrasé élégant, une prononciation solide et bien articulée. Sa couleur foncée et l'intonation juste s'alignent avec les voix de l'ensemble. Hermione Bernard chante Hör mein Bitten (Entends ma prière) avec une voix claire, lumineuse et légère, qui exploite habilement le diapason supérieur de sa gamme soprano. Les aigus sont pointus, avec une justesse qui ne dévie pas sur un allemand assez soigné (pimenté de "r" roulés). L'émission vocale est toutefois un peu nasale et a vocation à gagner en relief sur le plan expressif.
Les fidèles de la Maîtrise de Notre-Dame et de l'église Saint-Eustache, nombreux, acclament longuement les artistes, petits et grands, en leur souhaitant postérité et saison musicalement riche et sans turbulences.
Petit aperçu du Concert d'ouverture de saison qui se profile... Vous voulez entendre la suite ? Rendez-vous Mardi 19 octobre à 20h30 à l'église Saint-Eustache ! Informations et réservations sur notre site internet : https://t.co/JoZSlzvEaX#notredamechoeurbattant pic.twitter.com/aRAqcaSseV
— Maîtrise NDP (@MusiqueSNDP) 7 octobre 2021
Le mot du chef À quatre jours du Concert d'ouverture de saison de la @MusiqueSNDP, son directeur et chef de chœur principal @henrichalet nous présente, en quelques mots, le programme. Infos et réservations sur : https://t.co/JoZSlzvEaX#notredamechoeurbattant pic.twitter.com/nQaN7F1hvv
— Maîtrise NDP (@MusiqueSNDP) 15 octobre 2021