Concert de l’Académie internationale de direction de chœur aux Rencontres Musicales de Vézelay
Les festivaliers des Rencontres Musicales de Vézelay se retrouvent dans le réfectoire de la très charmante Abbaye de Reigny pour découvrir (gratuitement) les jeunes talents accompagnés par Mathieu Romano et Grete Pedersen. Grâce au superbe "outil" choral qu’est l’Ensemble Aedes, les six jeunes musiciens démontrent leurs qualités dans les chansons composées par Francis Poulenc, Luciano Berio, Johannes Brahms ou Frank Martin. Avant de découvrir avec fascination les différentes personnalités musicales de chacun des élèves de l’académie, l'auditoire reconnaît immédiatement le professionnalisme des artistes du chœur Aedes. Sans cesse attentifs aux gestes de leurs chefs, ils font preuve d’une grande homogénéité tout en se montrant capables de s'exprimer en solistes, à la présence équilibrée et faisant preuve d’une grande maîtrise de toute une palette de timbres (même dans les styles musicaux paraissant moins accessibles).
Le premier jeune chef de l’académie à monter sur scène est Félix Benati. Animé d’un regard vif et pétillant, sa gestuelle manifeste une personnalité musicale certaine, caressant les phrasés de gestes amples ou pétrissant le son du chœur dans ses mains. Il fait ainsi preuve d’une expressivité colorée, très phrasée et visiblement efficace dans les deux chansons sur des poèmes de Paul Eluard extrait des Sept chansons de Francis Poulenc ou des extraits des Five Ariel Songs de Frank Martin. Maxime Giraud a choisi des extraits des Cries of London de Luciano Berio, dans lesquels il peut montrer sa finesse musicale, suggérant des phrasés sensibles et des couleurs touchantes. La jeune Onna Stäheli reprend tout d’abord la suite de ces Cries of London, dirigeant notamment avec un visage très expressif, quoiqu’un peu tendu par un sourire de timidité. Elle fait néanmoins preuve d’audace en proposant une version spatialisée du premier mouvement d'Un Requiem allemand de Johannes Brahms : les artistes du chœur se dispersent dans la salle, s’isolant un peu les uns des autres, la jeune cheffe se plaçant devant la scène pour diriger de manière centrale. Le professionnalisme d'Aedes manifesté par une connaissance profonde de la partition, offre un résultat sans aucun défaut de synchronisation (les gestes d'Onna Stäheli étant certes beau mais pas très précis, ni sans doute très visibles pour chacun des artistes du chœur). Les phrasés de direction auraient pu grandement gagner en suggérant davantage de souffle et même de relief, véhiculant plus d’identité et d’assurance (c’est assurément la grande difficulté à s’attaquer à des œuvres si exigeantes et connues).
Louis Gal défend avec fermeté et élégance l’une des Five Ariel Songs. Les onomatopées de l’extrait des vendeurs à la criée dans les Cries of London sont justifiées dans des phrasés contrastés, avec des silences et des reliefs de dynamiques. Le chœur semble alors raconter véritablement une histoire, dépeindre une atmosphère, allant plus loin qu’une simple conscience de la partition mais proposant vraiment une interprétation. Sa collègue Nele Erastus en présente justement une vision assez sobre basée sur le jeu des mesures à temps irréguliers (deux temps ternaires puis deux temps binaires). Elle fait également preuve d’une interprétation raffinée des chansons de Poulenc, avec une gestuelle assez intimiste qui crée des couleurs et une conduite faisant penser à de la dentelle. Enfin, Ophélia Besson montre une gestuelle très souple et légère, comme une danseuse, proposant des couleurs éthérées et de longs et beaux phrasés. Elle ne manque néanmoins pas de vigilance dans les moments nécessitant soin et précision, telles ces amusantes cloches qui sonnent « Ding, dong, bell ! » d’un pupitre à un autre.
Afin de remercier le public absolument ravi de ces belles découvertes (et souhaitant suivre la carrière de ces talents), les jeunes chefs rejoignent les chanteurs et la cheffe norvégienne Grete Pedersen prend la direction pour deux chants traditionnels norvégiens : le premier, un beau chant d’amour et le second, un joyeux chant de fête. Par ses gestes, faciles et naturels, Grete Pedersen manie avec une grande aisance les équilibres et se montre comme en train d’improviser, comme si le chœur, bien que légèrement étonné, était son instrument.