Récital Jaho & Castronovo au TCE : du grand Puccini !
Le Théâtre des Champs-Elysées accueillait ce mardi 7 mai Ermonela Jaho et Charles Castronovo pour un récital produit par Les Grandes Voix et dirigé par Marco Zambelli, à la tête de l’Orchestre national d’Ile-de-France. Le programme explorait le répertoire romantique français dans sa première partie, puis les pourtours du vérisme après l’entracte. La soirée était captée par cinq caméras dont l’une, juchée au bout d’un bras télescopique, se promenait sous les yeux des spectateurs, en mécontentant certains.
La soirée démarre par l’ouverture de Phèdre de Massenet attaquée avec fougue par l’orchestre qui parvient à transmettre la force dramatique de l’ouvrage. La conclusion est d’une infinie précision, interrogeant ainsi sur les nombreuses approximations ayant émaillé, quelques minutes plus tard, l’interprétation de la Méditation de Thais (Massenet toujours). La qualité d’interprétation des intermezzi de Guglielmo Ratcliff (Mascagni) et Manon Lescaut (Puccini) est en revanche incontestable, tout comme l’est la cohérence et la nuance de la phalange francilienne.
Arborant une barbe à la Jonas Kaufmann, Charles Castronovo débute par un air extrait de Sapho de Massenet. En grand artisan du répertoire français, le ténor soigne sa diction et fait montre d’un vibrato parfaitement maîtrisé. La douceur du timbre sied parfaitement au personnage de Julien. La note finale est tenue avec maîtrise et conviction. Son Lied d’Ossian extrait de Werther est légèrement corsé : le rôle peut être interprété par un ténor ou par un baryton (souvenons-nous de la double distribution proposée à l’Opéra de Paris en 2008, offrant le rôle en alternance à Jonas Kaufmann et Ludovic Tezier), et cette interprétation emprunte de romantisme offre une vision intermédiaire intéressante, quelques semaines seulement après le triomphe de Juan Diego Florez dans le rôle in loco (voir le compte-rendu d’Ôlyrix). Son Amico Fritz (Mascagni) plein d’assurance et son son Arlesiana de Cilea d’un grand lyrisme, paraissent expédiés sans grande intensité dramatique.
Ermonela Jaho (© Fadil Berisha)
Ermonela Jaho, ravissante dans sa robe rouge flashy de la première partie comme dans la bleue pailletée et sombre de la seconde, entame son récital par un extrait de Sapho. Son effort de diction ne permet pas de comprendre les paroles de son chant, mais la soprano compense par une grande finesse d’interprétation et par l’intensité dramatique qui la caractérise. Vivant son chant qu’elle habille d’une gestique sophistiquée et stylisée, elle émet des aigus d’une pureté et d’une nuance qui enthousiasment le public dès ce premier air. Son incartade dans Thaïs semble moins appropriée. Si l’orchestre offre beaucoup de corps (mais trop de cor !), l’air semble mal adapté à sa voix : elle doit d’ailleurs chercher sa note finale, toutefois projetée avec force. Elle s’affirme en revanche dans le répertoire italien de la fin du XIXème siècle et du début du XXème, dont elle est l’une des plus grandes interprètes (Madame Butterfly et Sœur Angélique étant ses deux rôles fétiches). Son Adriana Lecouvreur (Cilea) offre beaucoup de justesse dans le jeu. Son crescendo accompagnant sa montée chromatique finale démontre à la fois l’amplitude de sa voix et son souci des nuances. Enfin, sa Manon Lescaut d’une grande intensité, lui vaut une ovation qu’elle peine à accueillir, marquée par le désespoir du personnage pendant un long moment.
Chacune des deux parties du spectacle est conclue par un duo entre les deux interprètes, extraits de Manon de Massenet d’abord, puis de La Rondine de Puccini ensuite. Le premier fait étalage de la complicité qui lie les eux interprètes : les voix s’unissent à merveille et l’air se conclue sur un baisé passionné. Dans le second, Jaho est habitée, exprimant à merveille les sentiments qui font la force de la musique de Puccini. Trois rappels concluent la soirée : un chant populaire napolitain de Cardillo, Core ‘ngrato pour Castronovo, puis la canzone de Doretta extrait de la Rondine pour Jaho. Les deux voix s’unissent enfin une dernière fois pour la « suave fanciulla » extrait de la Bohème (Puccini). Jaho ne boude pas son plaisir, minaudant avec fantaisie. Le public se lève pour une standing ovation.
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