Concert inaugural et triomphal aux Invalides avec Les Ambassadeurs
Si Ludwig van Beethoven (1770-1827) est surtout connu pour son œuvre instrumentale, il ne fut pas moins génial dans la composition d’œuvres lyriques, certes moins nombreuses. Pour commémorer la naissance du compositeur, il y a 250 ans, Les Ambassadeurs présentent ce soir, dans la sublime Cathédrale Saint-Louis de l’Hôtel national des Invalides, un programme dans lequel le public peut entrevoir la force créatrice et émotionnelle de Beethoven. Avant d’interpréter l’intense Symphonie n°7, il peut ainsi apprécier deux pièces chantées, sur le thème de la colère contre l’ennemi : "Ah ! perfido" pour soprano et orchestre et "Tremate, empi tremate", trio pour soprano, ténor, baryton et orchestre. Il est vrai que la 7ème fut créée le 8 décembre 1813, lors d’un concert de charité pour les soldats austro-bavarois blessés lors de la bataille de Hanau contre la Grande Armée napoléonienne. Les Invalides représentent ainsi un lieu tout à fait pertinent : le principal intéressé reposant à quelques mètres seulement derrière l’orchestre.
Si le premier air de concert, Ah! perfido, est censé mettre en pleine lumière la soprano, la partition fait de l’orchestre un véritable personnage. La trentaine d’instrumentistes des Ambassadeurs, tous debout (sauf les violoncellistes), se saisissent pleinement de cette opportunité de faire du théâtre en musique. Cette impressionnante énergie serait pleinement appréciable si elle ne dévorait pas la charmante Anara Khassenova, dont la présence et la robe étincellent. Son timbre est toujours beau sur toute sa tessiture, avec des aigus particulièrement fins et lumineux. Ses phrasés sont moelleux, particulièrement appréciables donc dans les passages où l’accompagnement est plus doux. Les intentions sensibles de son chant ne peuvent qu'être ressenties, mais l’attention du spectateur est facilement détournée par la présence, bien plus vivante, du chef Alexis Kossenko. Malgré l’acoustique et les distances imposées entre les musiciens, leur attention est extrême pour garder constamment une impressionnante homogénéité et éviter tout décalage. La précision de son et d’ensemble, malgré une direction aux gestes parfois magistraux, parfois caressants, démontre un formidable travail d’orchestre en amont.
Dans Tremate, empi tremate, l’orchestre laisse à la soprano davantage l’occasion de charmer au côté du ténor Christophe Einhorn. Celui-ci fait entendre un timbre élégant mais dont le souffle semble manquer, ne permettant pas une conduite toujours aboutie de ses phrasés et à ses aigus de briller. Le baryton-basse Paul Gay impressionne par sa présence, donnant à son personnage un fort caractère. Il est toutefois un peu dommage que cette intensité force sur la voix qui perd parfois en précision d’intonation. L’orchestre se montre bon accompagnateur, sachant aisément soutenir les contrastes des chanteurs.
Les Ambassadeurs poursuivent donc la soirée en interprétant l’énergique danse symphonique qu’est la 7ème Symphonie de Beethoven, en ne perdant jamais la fougue transmise par leur chef. De quoi apprécier particulièrement les formidables chevauchés du premier mouvement, les différentes interventions mélodiques soigneusement pensées du si beau deuxième mouvement, l’énergie dansante du surprenant troisième mouvement et enfin l’alerte mouvement final. Alexis Kossenko n’hésite pas à prendre des risques en choisissant un tempo rapide. Si le rendu est parfois sur la brèche, jamais les musiciens ne font défaut, grâce à leur investissement total. Cet engagement et cet enthousiasme sont appréciés et partagés du public dont plusieurs spectateurs se lèvent pour applaudir l’ensemble.
Nouveau format de concert; court et sans entracte, oblige, les artistes n’offrent pas de bis. Mais la satisfaction reste entière et le plaisir de peut-être les entendre à nouveau naît déjà.
[Concert inaugural] C'est sous le signe de Beethoven que s'ouvre la saison musicale avec l'ensemble Les Ambassadeurs dirigés par Alexis Kossenko, pour célébrer le 250e anniversaire de la naissance du compositeur. Un concert retransmis en direct sur @radioclassique. Avec le @cic pic.twitter.com/0boYhqJxqo
— Saison musicale - Invalides (@InvalidesMusic) 1 octobre 2020