Il Paradiso florentin à Ambronay : le Sollazzo Ensemble rend hommage à la musique du Trecento
Au milieu du XIVe siècle, la peste bubonique faisait des ravages. S’ensuivirent évidemment des crises majeures dans les secteurs économiques, sociaux et politiques. Néanmoins, les artistes ne se découragèrent pas et certains d’entre eux se montrèrent capables de créer des œuvres fortes et sensibles, annonçant la période effervescente de la Renaissance. Le florentin Francesco Landini (ca.1325-1397), surnommé « l’organiste aveugle », est aujourd’hui le plus célèbre des compositeurs italiens de cette époque. Il a certainement influencé nombre de ses contemporains. Sans explicitement mettre en relation nos deux époques, le Sollazzo Ensemble veut ce soir partager sa passion pour le répertoire de cette toute fin du Moyen-Âge, en présentant certaines des plus belles œuvres du maître Francesco et d’autres musiciens exerçant à Florence.
Plongé dans un autre monde par les sonorités si particulières des instruments, copies d’instruments d’époques, comme le psaltérion ou l’organetto (orgue portatif), le public est très vite charmé par les lignes vocales dont les mélodies paraissent aussi naturelles qu’évidentes. Si la disposition bi-frontale de la scène -le public étant à la fois dans la nef et dans le chœur de l’abbatiale- n’est pas toujours idéale pour aider à la bonne appréciation de la diction des chanteurs, elle se montre néanmoins agréable dans les pièces de plainte. C’est ainsi que les émotions de la voix charmante de Carine Tinney résonnent sur les voûtes pour toucher les cœurs avec Adiou adiou. La soprano laisse parfois entendre d’agréables graves, bien assis. La captivante Anara Khassenova réussit à charmer tout au long de la soirée, de sa voix lumineuse. Les unissons extrêmement soignés des deux sopranos donnent souvent l’effet d’un chœur de femmes pleinement homogène, même dans les passages les plus agiles.
Le ténor Jonatan Alvarado démontre lui aussi ses talents lors d’une autre plainte, Gli atti col dançar de Johannes Ciconia (ca.1370-1412), aux intentions extrêmes et pleinement suivies par les musiciens. Qu’il est dommage, toutefois, que l'hygrométrie ne soit pas clémente avec l’une des vièles à archet, dont l’une des sensibles cordes en boyau nu se montre capricieuse, particulièrement lors de cette intense lamentation. Cette corde finira même par céder un peu plus tard, heureusement au moment même d’une fin joyeuse : « Deo Gratias », d’un compositeur anonyme. Le ténor Victor Sordo possède une rondeur et une douceur de timbre, et surtout une habileté vocale pleinement exprimée lors de délicieux et virtuoses passages polyphoniques, notamment Creata fusti o vergine Maria de Landini ou l’amusante A poste messe de Lorenzo da Firenze (mort en 1372). L’ensemble instrumental, sous la direction confiante et à peine visible d’Anna Danilevskaia, depuis sa vièle à archet, démontre l’homogénéité de chacun maîtrisant son instrument.
Les jeunes musiciens offrent en bis un joyeux et rythmé Kyrie Eleison, qui est comme une joute amicale entre les quatre chanteurs finissant par se retrouver pour forger l’harmonie. Un Kyrie qui se veut donner plaisir et espoir. Une perspective heureuse pour clore ce deuxième week-end du Festival d’Ambronay.