À Saint-Pierre-aux-Nonnains, le chant messin sur ses terres
Bruno d’Eguisheim-Dagsburg (1002-1054) composa, dix ans avant son accession au trône papal sous le nom de Léon IX en 1049, cet Office de Saint Hydulphe, du nom du fondateur de l’église abbatiale de Moyenmoutier, dans les Vosges. Le chant messin, variante du chant grégorien et fer de lance des chantres francs, est ici magnifié par l’Ensemble Organum, ayant à cœur de faire redécouvrir les musiques anciennes.
Le programme s’inscrit dans le cadre des célébrations du 800ème anniversaire de l’un des autres monuments religieux de Metz : l’immense et gothique Cathédrale Saint-Étienne. Mais c’est à Saint-Pierre-aux-Nonnains, exemple d’art roman dont les plus anciens éléments datent du IVème siècle, que se déroule cette succession d’antienne, invitatoire et répons (un chant alterné entre soliste et chœur) aux sacrées cantillations. Lieu logique, car ses dimensions moins impressionnantes permettent à la fois une ambiance intimiste, mais également à l’Ensemble Organum, Marcel Pérès en tête, de suivre un parcours précis de déambulation dans l’église.
Vêtus de robes blanches, les huit membres du chœur masculin entament Plebs domini hors scène, avant de faire lentement, le temps de cette antienne introductive, le tour de la nef, puis de s’installer en un large demi-cercle devant la scène pour l’invitatoire suivant, avant de monter sur scène pour les répons. L’ensemble effectue le parcours inverse pour l’antienne finale. La symétrie des déplacements introductif et conclusif, cercles de plus en plus concentriques, reflète physiquement l’indubitable précision des voix, tous critères confondus.
La diction est impeccable, pour le chœur comme pour ses solistes. L’antienne première résonne avec force dans ses premières mesures, et les voix de basses créent un soubassement continu qui ne souffre aucun accroc, du début à la fin de cet Office. Les cantillations, quand bien même l’œuvre s’inscrit dans la liturgie chrétienne, distillent par endroits de pures sonorités orientales. Le chœur, uni dans sa précision et sa diction, emplit le lieu par la puissance des coffres d’une ferveur adéquate. Quelle que soit sa tessiture, chaque soliste déploie lors de ses interventions ces mêmes qualités, une tenue remarquée des aigus comme des graves et un modèle de stabilité, dans la diction comme dans les cantillations. Passé le silence recueilli qui s’impose naturellement au public, les applaudissements nourris témoignent de cette superbe découverte.