Reinoud van Mechelen incarne Dumesny, haute-contre de Lully à la Cité Musicale de Metz
Unique, typique et emblématique du génie français, la tessiture de haute-contre (à ne pas confondre avec le contre-ténor, le haute-contre se rapprochant d’un ténor aux aigus particulièrement hauts et non d'un homme chantant en voix de tête/de fausset sur une tessiture féminine), est ici incarnée par Reinoud van Mechelen qui propose non seulement une exploration vocale mais aussi un voyage dans le temps, à l’époque de Dumesny, cuisinier de formation et chanteur sur le tard, à la carrière aussi flamboyante que brève. Le programme s’articule intelligemment en suivant la chronologie de la carrière de Dumesny, débutant par la rencontre avec Lully, laissant place à Pascal Collasse, Marin Marais ou Marc-Antoine Charpentier, jusqu’à la fin de carrière, sertie de joyaux par Henry Desmarest ou Élisabeth Jacquet de la Guerre.
Les choix d’extraits offrent un riche panel baroque et l’occasion pour Reinoud van Mechelen de combiner ses aises dans la direction de l’ensemble et dans la performance vocale. Le relais temporaire de direction confié au premier violon Emmanuel Resche conserve à l’ensemble A Nocte Temporis précision, fougue ou recueillement, choix de nuances bien marquées, dans la droite ligne de Reinoud van Mechelen. Sa gestique débutant en mouvements amples des bras finit par convoquer l’ensemble du corps en une danse énergique, qui n’essouffle pas le ténor. Car une fois tourné vers le public, il conserve une qualité de souffle remarquée, qu’il adapte en fonction du texte, saccadé pour l’Achille et Polyxène de Lully, fiévreux sur celui de Colasse.
Le timbre s’inscrit dans la même logique. Les aigus s’amoncèlent en un tapis moelleux, gagnent en rondeur, voire en fièvre, ou s’amenuisent dans le recueillement et la légèreté. Les medium, gracieux, amènent des montées souples ou des descentes vers de profonds graves. La diction, claire et précise, sonne autant dans le français contemporain de Lully et Dumesny, "eu" très fermés sur "fleurs" ou "dieux", "oi" en "oué", étranges à l’oreille actuelle mais adéquats dans la démarche d’ancrage du programme à l’époque de Dumesny.
L’ensemble A Nocte Temporis est tout aussi soucieux que son Directeur de porter la flamboyance baroque, formant un unisson lumineux qui permet toutefois à chaque groupe d’instruments d’exprimer pleinement sa couleur propre et au mélange des vents et des cordes de véhiculer l’atmosphère de chaque pièce. Violons et flûtes composent une Circé envoûtante et mystérieuse. Théorbe doux et flûtes sylvestres s’allient au soubassement des basses de violons (ici des violoncelles actuels) sur l’Alcide conjoint de Marais et Lully. Les tempi, bien marqués, alternent recueillement et bouillonnement véloce.
Soucieux de préparer le public de la Grande Salle de l’Arsenal à la fin de soirée, Reinoud van Mechelen offre en rappel la douce Espagne et son Sommeil, seconde entrée de l'Europe galante de Campra, qui lui vaut de nouvelles ovations du public, ravi de retrouver le ténor habitué des lieux.